Comme la tarte Tatin en Sologne, comme d’autres gâteaux, biscuits, confiseries ou crèmes dans diverses provinces, le tourteau fromager (ou fromagé) devrait son existence à une erreur de débutante. Son existence, et sa célébrité, car c’est bien sa croûte noire, qui laisse augurer le pire, qui fait une bonne partie de sa réputation ! Merci donc à la cuisinière de Ruffigny, près de La Crèche, qui laissa malencontreusement dans le four, plus longtemps que prévu, sa tarte au fromage frais de chèvre dont elle devait régaler ses convives – une coutume au XIXe siècle. À la sortie, le gâteau avait spectaculairement pris du volume et arborait sur le dessus une croûte calcinée. Raté ? En tout cas, la cuisinière ne le jeta pas. Quelle bonne surprise à la découpe, quand l’intérieur du gâteau se révéla non seulement délicieux, mais exceptionnellement moelleux. C’est ainsi que fut inventé le tourteau fromager, qui devait connaître un franc succès puisqu’il s’invite encore régulièrement sur les tables, même lors des fêtes traditionnelles et des mariages.
Pas de la tarte, mais presque !
Longtemps conçu dans un plat en terre lui assurant cette forme arrondie, elle aussi typique, le tourteau au fromage blanc de vache ou de chèvre, mi-noir mi-blanc, doit son nom à la « tourterie », qui signifie « gâteau » en poitevin (aucun lien avec le crabe : c’est avec la tarte, la tourte, qu’il y a un rapport). Et si la légende lui donne Ruffigny pour berceau, d’autres localités deux-sévriennes en revendiquent la maternité, Sepvret, Lezay, La Mothe-Saint-Héray, Brioux-sur-Boutonne… C’est justement dans cette dernière commune qu’œuvrent les 25 salariés de la maison Baillon, petite pâtisserie devenue grande : le site de production, installé à Brioux-sur-Boutonne depuis 1983 (la pâtisserie avait été créée sept ans auparavant) est, en volume, le premier fabricant de tourteau fromager, réalisé avec des ingrédients en grande partie locaux ; ainsi, le fromage blanc vient principalement de la ferme de la Roche Laitière, à une dizaine de kilomètres de la fabrique.
À l’apéritif… ou n’importe quand
À quel moment de la journée se régaler d’une part de tourteau fromager ? Comme le dit la publicité (pour un autre produit), il n’y a pas d’heure pour en manger. « Dans le Poitou, indique la maison Baillon, il est courant de le trouver sur les tables d’un vin d’honneur ou de le manger à l’apéritif. » À déguster frais ou à réchauffer au four pendant 10 minutes, à 180 °C. Sinon, il peut être idéalement accompagné d’une boule de glace à la noix de pécan, de miel, d’une salade de fruits frais, d’une crème à la vanille ou au chocolat, ou de confiture. Si vous voulez connaitre sa recette c’est par ici !
Enfin, puisque la question est souvent posée, que les consommateurs soient rassurés : la croûte peut être dégustée sans crainte d’avaler des éléments cancérigènes, comme l’ont prouvé des analyses effectuées par le Pôle Aliments et Santé de La Rochelle à la demande de la maison Baillon.
Nom de code pour la Résistance
« Pour le tourteau fromager » : c’est par ces mots que, durant la Deuxième Guerre mondiale, Radio-Londres débutait ses messages adressés à la Résistance dans les Deux-Sèvres. Par exemple, comme l’indique un article de La Nouvelle République paru en 2011 : « Message pour le tourteau fromager : Chaumette est notre seul ami, vous devez lui faire confiance. » Chaumette alias Edmond Proust, instituteur et membre fondateur de la MAIF, qui devenait par cette phrase, officiellement, le commandant en chef de la Résistance dans le département.
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