Le village de Villandraut, niché dans la région forestière et rurale du sud-Gironde, est célèbre pour son château médiéval érigé au début du XIVe siècle. Ce monument, témoin de l’histoire tumultueuse de la région, est aujourd’hui au cœur de la vie culturelle locale grâce aux efforts de préservation et de restauration.

Un village préservé et son modeste cours d’eau

Le Ciron est un modeste cours d’eau dont ni le débit ni l’ampleur ne laissent présager de l’importance géographique. Sur 97 km pourtant, de sa source dans les Landes à son confluent avec la Garonne à Barsac, il est la véritable colonne vertébrale du sud-Gironde, trait d’union entre le terroir des Landes de Gascogne et celui des Graves du Bordelais. Quittant le Bazadais pour aborder les coteaux du Sauternais, il traverse le village de Villandraut.

Cette commune essentiellement rurale et forestière (l’écureuil présent sur son blason n’est pas le fruit du hasard…) est située à l’écart des grands axes routiers et hors de l’aire urbaine de Langon, dont elle est distante d’une vingtaine de kilomètres. Elle n’a donc pas subi les affres de la péri-urbanisation qui a depuis longtemps déjà gangrené les pourtours méridionaux de l’agglomération bordelaise, ce qui lui confère un charme doux, presque intemporel.

 

Les origines légendaires et l’ascension de Villandraut

Les origines de Villandraut se perdent dans les brumes du Moyen Âge. Il se dit que la seigneurie tire son nom d’un noble biscayen, Don Alonzo Lopez de Villandrando, venu en France avec Blanche de Castille au tout début du XIIIe siècle… à moins qu’il ne s’agisse d’une déformation de « Villandrandus », la ville des Andron, une famille noble du Bordelais. Toujours est-il qu’au cours des décennies suivantes, le bourg s’est trouvé au centre de la vie religieuse et, dans une moindre mesure, politique, de l’Occident.

C’est en effet là qu’est né, vers 1264, un certain Bertrand de Got (ou de Goth), appelé à devenir archevêque de Bordeaux puis… Pape en 1305, sous le nom de Clément V. Très attaché à sa Guyenne natale où sa popularité était considérable, le nouveau Souverain pontife vint s’y installer dès 1306, faisant à l’occasion un long séjour (plus de trois mois) à Villandraut ainsi placé à l’épicentre de la Chrétienté, rien de moins !

Mais de crises (les Templiers) en ruptures (installation du Saint Siège en Avignon), le pontificat s’est poursuivi loin du Ciron. Il n’en a pas moins permis au bourg de se doter d’un château fort, érigé entre 1305 et 1314 par le propre frère du Pape, Arnaud Garcie de Got. Avec le château voisin de Roquetaillade dont il partage un certain nombre de caractéristiques architecturales (un plan quadrangulaire garni de tours rondes aux angles et de part et d’autre du portail), cet édifice est un bel exemple du style dit « clémentin », qui se caractérise par une idée nouvelle dans la fortification médiévale : la recherche du confort sans pour autant négliger la vocation militaire.

 

 

Ce confort d’une modernité insolente pour l’époque se traduit notamment par l’aménagement de 21 cheminées, un nombre considérable pour un tel bâtiment, sachant que, dans la plupart des châteaux forts, seules les pièces de vie du seigneur en étaient dotées. Si l’on ajoute à cela la construction de 19 latrines, on se rapproche des critères d’aisance et d’hygiène des grandes demeures italiennes de la même époque.

Nous sommes ici à l’origine du concept de « château-palais », destiné autant à assurer la protection qu’à témoigner de la puissance du maître des lieux. Il ne fait aucun doute que Clément V, revenu à Villandraut une dernière fois en 1313, a goûté à leur juste mesure les commodités qu’offrait alors le château de son frère.

Les épreuves du château au fil des siècles

La guerre de Cent Ans a porté un rude coup à la seigneurie de Villandraut, notamment lorsque le roi Charles VII l’a confisquée au seigneur de Durfort (de la famille de Duras), jugé trop proche des Anglais. Plus d’un siècle plus tard (en 1572), les assauts des Huguenots ont à leur tour contribué à la dégradation du château. Tombé dans un quasi-abandon en dépit de quelques travaux de sauvegarde réalisés par le seigneur de Lalanne au XVIIe siècle, celui-ci semblait dès lors voué à une inexorable dégradation.

Le coup de grâce lui a été apporté au XVIIIe siècle. L’ayant acquis en 1769, le marquis de Pons l’a dépouillé de ses boiseries, avant d’entamer la récupération des pierres. Ce pillage s’est poursuivi sous la révolution et l’édifice n’a été sauvé que grâce à son classement aux Monuments historiques en 1886.

La renaissance du château

Depuis 1984, une association de passionnés, baptisée Adichats, anime les lieux tout en s’efforçant de les restaurer, en partenariat avec leurs propriétaires successifs. C’est ainsi qu’un monument voué à la destruction et à l’oubli en dépit de son intérêt historique et patrimonial a pu revivre, pour devenir aujourd’hui un élément essentiel de l’animation culturelle d’un village et de son terroir.