Attractive en toute saison, la commune du Bas-Rhin l’est particulièrement au moment des fêtes… On aime se promener dans les allées des marchés de Noël, répartis sur trois places (Kubler, place d’Armes et place de la Victoire), rendre visite aux artisans qui exposent leurs réalisations, entrer dans les églises, et voir la première mention écrite d’un sapin de Noël

Chaque année en décembre, l’église Sainte-Foy est l’écrin d’une exposition spectaculaire de 173 boules traditionnelles en verre soufflé et coloré, toutes créées par le Centre international d’Art verrier de Meisenthal, plus ou moins sphériques (certaines ont des formes étranges), évocation contemporaine, en forme de sapin, des anciens lustres de l’église. Le sapin ? Un thème fort ici à Sélestat, central même. Et ce n’est pas un hasard…

 

©V. Liorit

 

Précieux manuscrit

Car l’élégante ville est connue aussi pour un fait historique qu’il nous est loisible d’admirer dans la bibliothèque humaniste (du moins, un fac-similé du précieux document lui-même conservé aux archives municipales) : la première mention écrite d’un sapin de Noël, conservée dans un registre de comptes de 1521. On peut y lire ceci : « Item IIII Schillings den förstern die meyen an Sanct Thomas Tag zu Hieten. » (« Payer 4 Schillings aux gardes forestiers pour surveiller les mais [arbres] à partir de la Saint-Thomas. ») Rappelons que ce jour-là était celui où l’on coupait traditionnellement les sapins. Ce qui suppose que couper un arbre dans la forêt et le décorer à cette période de l’année était déjà entré dans les habitudes.

 

©V. Liorit

 

Dans un autre espace de la bibliothèque, l’artiste locale Camille Epplin expose ses œuvres, chaque année à la même époque, sur un thème différent : « Traditions de Noël en Europe », « Contes de fées », « 500e anniversaire du sapin de Sélestat »…

Décorer l’arbre de Noël : toute une histoire

Suspendus sous les arcs de la nef de l’église Saint-Georges, dix sapins retracent les étapes les plus marquantes de l’évolution de la décoration de l’arbre de Noël en Alsace.
Une fabuleuse histoire qui débute au XVIe siècle, lorsque les familles chrétiennes remplacent petit à petit, chez elles, les branches de la tradition païenne par de jeunes arbres, des conifères, en raison de la persistance de leurs aiguilles vertes qui, au début de l’hiver, restaurent l’espoir d’une vitalité nouvelle. Déjà, des petites pommes rouges décorent l’arbre de Noël, comme un rappel du péché originel d’Adam et Eve. Mais un autre élément apparaît dans le décor : l’hostie non consacrée, l’ « oublie », qui symbolise la rédemption apportée par le sacrifice de Jésus.
Dès la fin du XVIe siècle, les protestants, se fondant sur l’étude de l’Ancien testament, proposent une évolution. Aux hosties et aux pommes s’ajoutent des papillotes en forme de fleurs, en papier multicolore, allusion à un verset d’Isaïe où il est question de « rameau fleuri de Jessé ».

 

©V. Liorit

 

Au XVIIIe siècle, de nouvelles décorations complètent ou remplacent les autres éléments. On connaissait déjà le « Zischgold », décrit deux siècles plus tôt, du métal réduit en fines feuilles ou lames dorées, afin d’apporter de l’éclat à l’ensemble. Au tournant du siècle, en Alsace, on commence à se détourner de la référence chrétienne. Les pommes laissent place à des friandises, comme les noix fourrées, les oublies deviennent des Bredele, des gaufres, des pains d’épices, des confiseries, toutes ces douceurs dans des formes variées, mais aussi des « Springerle », petits fours décorés en relief et spécialement conçus pour Noël. Quant à l’arbre, sa décoration est de plus en plus souvent laissée aux bons soins des enfants.

Il n’y a pas que 1521 !

Si la mention écrite de 1521 est la plus ancienne à ce jour*, d’autres références à l’arbre de Noël sont archivées à Sélestat. En 1546, deux ouvriers furent chargés de frayer un chemin afin d’accéder aux « mais » (sapins) avant de les couper. En 1555, la ville de Sélestat chercha à contrôler cette coutume pour éviter les abus. Un document de 1557 fait état de payer des gardes forestiers pour surveiller les « mais » avant Noël. Enfin, Balthazar Beck, échanson local, a laissé son témoignage sur la façon dont était dressé l’arbre de Noël en 1600 dans la salle commune de l’hôtel de ville de Sélestat. D’autres témoignages ont été retrouvés à Kaysersberg, Turckheim, Ammerschwihr et Strasbourg.

 

©V. Liorit

 

* Les archives de Strasbourg possèdent cependant un document antérieur, un livre de comptes daté de 1492 : il y est écrit que l’Œuvre Notre-Dame a acheté neuf sapins destinés aux paroisses de la Ville afin d’ « accueillir la nouvelle année ». Questionné, Hubert Meyer, l’ancien conservateur de la Bibliothèque humaniste de Sélestat, expliquait à Slate.fr, en 2012 : « Ces deux archives ne disent pas la même chose. Pour Strasbourg, il n’est pas fait mention de décoration, donc il n’est pas question d’un arbre de Noël au sens festif du terme. Qui plus est, au Moyen-Âge, on utilisait couramment des arbres pour habiller les églises. »