C’est une histoire particulière que celle des magnétiseurs et des rebouteux. Une histoire sans dates ni chiffres. Comme il est question d’irrationnalité, elle flirte parfois avec la légende, à ceci près que les guérisseurs ont existé dans les campagnes. Et ils subsistent encore de nos jours, pas seulement dans les hameaux…

Le rebouteux, qui remet les membres en place, ou le magnétiseur, qui soigne grands et petits maux par l’imposition des mains, font partie du décor de nos villages d’antan. Mais tout cela s’est déroulé durant des lustres dans le plus grand secret, par discrétion, par crainte de « chasse aux sorciers » aussi, au sens propre du terme, alors même que les villageois étaient les premiers à franchir le seuil de leur porte. Leurs noms, leurs capacités, se transmettaient de bouche-à-oreille. Une histoire parallèle donc, presque taboue, bien que l’on ne compte plus les histoires bien réelles de « coupeurs de feu » ou guérisseurs de zona. Pendant des siècles, ce sont eux que nos aïeux sont allés consulter pour une brûlure, un tour de rein. Les moines-médecins ? Les apothicaires ? Jusqu’à la fin du XIXe siècle, avant les spectaculaires progrès de la médecine, autant aller chez un guérisseur se faire administrer des infusions d’herbes ou du sirop de limaces avec l’appui des saints guérisseurs, nombreux chez nous…

 

 

Ce « quelqu’un » dont on ne dit pas le nom

Il faut dire que longtemps, les campagnes ont été dépourvues de médecins patentés – les déserts médicaux ne datent pas d’aujourd’hui ! Pour une brûlure, un hématome, une contusion, on allait chez le guérisseur, chez le rebouteux pour une articulation démise. Pour se rassurer dans un premier temps. Et si ça ne marchait pas, on se mettait en quête d’un médecin en ville. Aujourd’hui, c’est l’inverse. À tel point que les magnétiseurs et rebouteux actuels, dont les cabinets ne désemplissent pas, accueillent des personnes envoyées par les médecins diplômés ou les hôpitaux, notamment pour soulager les douleurs inhérentes aux traitements lourds contre le cancer que leurs pratiques permettraient de mieux supporter. Mais sans l’exprimer clairement. « Allez voir quelqu’un », conseille-t-on aux patients. Et chacun de comprendre ce qui est suggéré à demi-mot…

 

 

Un magnétiseur renommé

Eric Bertrand exerce cette activité en complément de sa profession – il est tapissier-décorateur à Chinon – et une fois tous les deux mois à Olbreuse, dans le sud des Deux-Sèvres. Olbreuse, car c’est là que Guy Bertrand, son grand-père, a œuvré durant soixante ans en tant que magnétiseur-radiesthésiste. Un personnage renommé dans toute la région, et bien au-delà, qui dès l’adolescence soignait les animaux malades que les agriculteurs du village lui demandaient de guérir. Suivirent les amis, les voisins… « Il fit la connaissance d’un curé qui magnétisait aussi avec beaucoup de succès, et qui avait une particularité : il était radiesthésiste, relate Eric Bertrand. C’était le curé de Liez, en Vendée. Un livre existe sur cet homme saint aux pouvoirs magiques ! Il découvrit chez mon grand-père un don très fort pour la pratique de la radiesthésie et lui apprit en même temps à mieux utiliser, canaliser et transmettre son magnétisme. » Les gens venaient de partout, dormaient dans les voitures pour être sûr d’avoir une place le lendemain. Guy Bertrand pouvait rencontrer jusqu’à trente personnes en une seule journée.

 

100 % de réussite ? Impossible

Un don que son petit-fils, qui se fait connaître notamment par le biais de son propre site web, a mis vingt ans à accepter avant d’assurer la relève – mais à un rythme moindre ! – en Touraine et dans le Poitou.

 

« Mon outil de travail, ce sont mes mains. Je procède par imposition des mains et passes magnétiques. Je pratique depuis six ans. Si je continue, c’est parce que j’ai des résultats, plus de réussites que d’échecs, mais aucun magnétiseur au monde n’aura 100 % de réussite. On vient me voir pour un zona, des verrues, des brûlures, pour des symptômes post-covid. Des personnes qui ont un cancer, aussi, sachant qu’un magnétiseur ne guérira pas une pathologie lourde. Mais on va améliorer le sommeil, soulager les nausées. Je traite tout, sauf la dépendance au tabac et à l’alcool. Pour cela, je conseille plutôt l’hypnose. »

 

Bien sûr, ce domaine parallèle, où aucun diplôme n’est demandé et où l’argent est facile, attire les aigrefins. Eric Bertrand avertit : si le tarif est élevé (au-delà de 60 €) et que le praticien commence à donner rendez-vous sur rendez-vous, fuyez !

 

« Personnellement, je ne donne jamais d’autre rendez-vous après une séance. Une seule peut aboutir à une amélioration, à une guérison – selon la pathologie – ou à rien du tout. La personne est libre. Si elle veut revenir, elle revient. Mais j’aime quand même bien savoir s’il y a eu du mieux ou si ça n’a pas marché… »