La spiruline est une cyanobactérie – on emploie souvent le terme erroné de « microalgue » –, en forme de spirale, qui pousse naturellement dans les lacs chauds et les lagunes. Elle est arrivée en France au milieu des années 60, après avoir été découverte par des chercheurs franco-belges en Afrique, où des tribus, installées au bord du lac Tchad, la produisaient de manière traditionnelle, la faisant sécher au soleil dans des cratères de sable avant de la vendre sous forme de galettes sur les marchés. Chez nous, la spiruline a commencé d’être exploitée dans des fermes artisanales, avant d’être vendue dans les herboristeries. Un peu oubliée par la suite, elle est revenue en force dans les années 2000, à tel point que l’on peut s’en procurer désormais partout (pharmacies, parapharmacies, grandes enseignes de sport…).
On compte aujourd’hui environ 200 entreprises productrices réparties dans tout l’hexagone. Là, loin de ses « racines » exotiques, et sans que le réchauffement climatique n’y soit pour quoi que ce soit, mais à condition d’avoir une installation ad hoc, elle se démultiplie de façon spectaculaire – les microscopiques brins en spirale se divisent en deux par le milieu, chacun s’allongeant par la suite et formant une nouvelle spiruline – jusqu’à ce qu’elle soit récoltée, puis séchée, avant d’être traitée sur place.
En paillettes, en poudre ou en comprimés
Ce n’est pas pour servir de décoration dans nos jardins que la spiruline est cultivée, mais pour ses bienfaits. Car ce complément alimentaire, qui existe sous la forme de paillettes – à saupoudrer sur les plats, les salades, les compotes, les yaourts –, de poudre à dissoudre dans un smoothie ou une soupe, et de comprimés (la poudre compressée), regorge de protéine végétale (60 %), de vitamines, de sels minéraux, d’oligo-éléments et de fer bio-assimilable . Le goût est léger ; son intérêt ne réside pas là, mais vraiment dans sa richesse nutritionnelle. Sans oublier ses antioxydants, qui fortifient le système immunitaire. Un super-aliment en somme, « l’aliment du 21e siècle » même, comme d’aucuns (dont l’OMS) l’affirment, conseillé en cas d’anémie, de grosse fatigue, de courbatures au réveil, ou à la sortie de l’hiver, dans le cadre d’une cure d’un à cinq mois (le temps que la spiruline comble les carences), ou bien avant une compétition sportive, à raison de 5 grammes par jour, ou encore régulièrement tout au long de l’année. C’est aussi un puissant détoxifiant, qui élimine toxines et métaux lourds. Précisons bien les choses : ce n’est pas un médicament, mais un aliment très riche. Il est cependant contre-indiqué aux personnes qui ont un excès de fer – pas la peine d’en rajouter –, à celles qui suivent un traitement anticoagulant, et aux malades du foie, ce qui vaut pour toutes les vitamines.
Hommage à Jeannette
Elizabeth et Erwan Couëtoux, 31 et 27 ans, sont installés à Louans. Destinés à enseigner la philosophie, ils ont pris un autre chemin… qui les a conduits tout droit chez le père d’Elizabeth. En effet, celui-ci, agriculteur, a monté un méthaniseur sur la ferme en 2019, ce qui permet de créer du biogaz à partir de déchets agricoles, mais aussi de bénéficier d’eau chaude pour chauffer le séchoir et le bâtiment de production, et d’offrir la possibilité d’allonger de quelques semaines la période de production en chauffant les bassins à l’automne. En effet, cette cyanobactérie se plaît dans une eau à 25-30 °C. L’idée de se lancer dans cette activité est venue ainsi à l’esprit de sa fille. En 2021, après la construction des bâtiments et l’aménagement des bassins, la production débutait à partir d’une souche* acquise chez un autre spirulinier. Spiruline Jeannette était née ! Un nom donné en hommage à la grand-mère d’Elizabeth, qui a transmis à sa petite-fille l’amour des plantes. Il a aussi fallu, bien sûr, que le couple se forme à ce nouvel univers : stages, tours de fermes, formations assurées par la Fédération des Spiruliniers de France…
Sous nos yeux, les trois bassins de 400 m2, largement éclairés sous la serre par la lumière du jour, se chargent. Des roues à aubes confectionnées avec d’anciennes batteuses de moissonneuses-batteuses brassent l’eau, la spiruline ayant besoin de carbone pour se développer. Mais la lumière doit être tamisée avec des filets d’ombrage. «Deux à trois fois par semaine, ou tous les trois jours, tôt le matin, on met une barrière, de manière à couper le courant d’eau, explique Erwan. La couche de spiruline vient s’accumuler. À ce moment-là, on peut la récolter avec une pelle plate. Pas tout : ce qui reste se démultipliera. » Dans le bâtiment adjacent, elle est filtrée puis pressée sous vide. Elle forme alors des brindilles qui sont mises à sécher.
Produit 100 % naturel
L’activité du couple débute juste ; un peu moins d’une tonne de spiruline a été récoltée chaque année jusqu’à présent, soit 35 kg par semaine et par bassin. Sachant, précision importante, que la production, entièrement naturelle, sans ajout de quelque produit que ce soit, s’étend d’avril à octobre. Pas en hiver, ce qui nécessiterait de chauffer les serres et d’utiliser des lumières artificielles. « Nous préférons respecter le cycle naturel. En hiver, la spiruline entre en dormance, jusqu’au printemps où elle commence à se développer de nouveau. »
La vente s’effectue en vente directe, à Louans, sur Internet (spiruline-jeannette.fr), dans certains magasins des environs. En attendant une distribution à plus grande échelle…