Nombreuses furent les filles à marier qui vinrent se pencher au-dessus de la fontaine pour obtenir la révélation de leur avenir et trouver la force de patienter jusqu’à ce que l’élu fasse sa demande en mariage. Malheureusement, un jour, une jeune fille subit la cruauté d’un mauvais plaisantin. Madeleine, la fille du meunier de Pirot, sœur de lait de Guy, fils du seigneur local, s’aventura jusqu’à la fontaine de Viljot. Les femmes de la région avaient toute une anecdote concernant ce lieu et Madeleine était curieuse de savoir si, elle aussi, apercevrait le visage de celui qu’elle épouserait un jour. Elle était très jeune et avait quelque appréhension à partir seule en forêt de Tronçais. Elle fit part de ses craintes à Guy, son frère de lait. Madeleine était aussi timide, douce et innocente, que Guy était fier et arrogant. Il l’encouragea à aller consulter la fontaine de Viljot, mais, en son for intérieur, il résolut de lui faire une mauvaise farce. Il suivit Madeleine de loin en se dissimulant à sa vue.
Lorsque la jeune fille eut jeté les épingles à la surface de l’eau et qu’elle se pencha sur l’eau troublée, elle vit le visage de Guy qui la regardait. Sa stupeur fut telle qu’elle fut prise de vertige et perdit connaissance. Lorsqu’elle revint à elle, Guy ricanait en se gaussant de sa stupide croyance. Madeleine fut très attristée par l’attitude de son frère de lait, mais elle ne lui en tint pas rigueur.
Les deux jeunes gens grandirent, puis vint le jour où Guy quitta le pays pour compléter son éducation. Il revenait régulièrement au village. Il retrouvait Madeleine et lui contait toutes les découvertes qu’il avait faites. Madeleine gardait dans le fond de son cœur un tendre sentiment pour Guy. Au fil du temps, l’amour de Madeleine ne fit que grandir, encouragé par la révélation de la fontaine à mariage. Les absences de Guy lui semblaient des éternités, elle ne vivait que dans l’attente de son retour. Les séjours de son frère de lait s’espacèrent jusqu’au jour où une missive annonça le mariage de Guy avec une riche héritière et l’installation du jeune couple dans le château seigneurial. Madeleine fut comme foudroyée. Elle perdit l’appétit et ses ravissantes joues roses. Sa joie de vivre s’estompa, ses yeux perdirent leur éclat. Le jour des noces, elle disparut. Occupé par les festivités, personne ne prêta attention à sa disparition, mais, le lendemain matin, un jeune berger vint prévenir son maître qu’une jeune fille gisait dans la fontaine à mariage de Viljot. Les gens du village se précipitèrent sur les lieux pour découvrir le cadavre de Madeleine. La malheureuse jeune fille, désespérée, s’était noyée.
Depuis cette tragédie, on dit que, dans la forêt de Tronçais, les nuits de pleine lune ou de brouillard, une vapeur singulière en forme de femme aux longs cheveux ruisselants glisse entre les arbres et emprunte le chemin menant à la fontaine de Viljot. Ses sanglots déchirent la nuit. Elle erre sans but d’un bosquet à un autre à la recherche du fiancé que la fontaine lui avait promis avant de s’agenouiller au bord de l’onde et de disparaître dans la fontaine à mariage.