Ancien avocat pénaliste du Barreau tourangeau (il fut notamment celui de Jean-Pierre Roux-Durraffourt), Jean-Michel Sieklucki s’illustre aujourd’hui par ses nombreux ouvrages historiques ou de fiction. Mais ce n’est pas tout ! Conférences, reconstitutions, voyages… L’écrivain, juriste, conférencier… semble ne plus vouloir s’arrêter de monter des projets.

Au mitan des années 1980, Jean-Michel Sieklucki se met au marathon. Il a trente-neuf ans, et de quoi s’occuper au quotidien avec son métier d’avocat pénaliste.

 

« J’étais en train d’arrêter de fumer. Plutôt que de compenser par les sucreries, j’ai choisi le sport, et un ami m’a mis au défi de réussir à courir un marathon. »

 

En sport comme ailleurs, l’homme aime relever les défis, et ne semble pas faire les choses à moitié. Il a usé ses baskets de course sur le bitume de New York, Paris, Londres, Rome, Amsterdam… avant de raccrocher pour passer au vélo il y a quelques années.

Mais aujourd’hui encore, après quoi peut bien courir Jean-Michel Sieklucki ? Bien qu’âgé de soixante-quinze ans, l’homme a la bougeotte. Non content de se déplacer fréquemment entre sa ferme de Sainte-Maure-de-Touraine et la métropole tourangelle, il passe trois à quatre mois par an en Equateur, auprès de sa compagne franco-équatorienne.

 

« Avoir une femme plus jeune, ça oblige à se surveiller, à ne pas se laisser aller, même si j’ai toujours été sportif (l’équitation dans ma jeunesse, puis le tennis, le marathon et maintenant le vélo). Apprendre l’espagnol, s’adapter à chaque fois à un mode de vie différent, c’est passionnant, et ça évite de s’encroûter ! Et puis, j’ai toujours aimé voyager. J’ai fait mon premier voyage à dix-huit ans, en stop, avec un ami, de Paris à Nouakchott (Mauritanie). J’ai aussi fait mon service militaire dans la coopération, en Côte d’Ivoire, où j’ai passé quinze mois. »

 

Mais c’est en Touraine que nous le rencontrons. Vous l’avez peut-être vu au restaurant l’École des Saveurs de Chambray-lès-Tours, où il propose tous les mois, avec trois amis, des diners-conférences. À moins que vous ne l’ayez reconnu sous le costume du président du tribunal dans la reconstitution du procès Bonaparte, joué en 2021 au Palais de Justice de Tours devant un total de près de 2 000 personnes ? Ou son visage vous dit quelque chose car il présente ses ouvrages dans les salons du livre ? Oh ! Faites entrer l’accusé, vous êtes sûr de l’avoir aperçu lors d’une de ses rares incursions télévisées !

 

Avocat de père en fils

Vous êtes encore loin du portrait complet. Reprenons au commencement : Jean-Michel Sieklucki pourrait bien avoir le droit dans le sang. Son grand-père et son père étaient en tout cas avocats, et il a repris le flambeau, sans trop se poser de question.

 

« J’ai fait droit car je ne savais pas quoi faire d’autre, et au bout d’un moment ça m’a intéressé, jusqu’à passer le certificat d’aptitude au métier d’avocat, pour prendre la relève de mon grand-père, en 1973 »

 

Le père de Jean-Michel Sieklucki est décédé lorsque ce dernier avait quatorze ans. Son propre fils, Jacques, est devenu avocat et a travaillé à ses côtés durant onze ans. La passion familiale pour le droit n’est donc pas près de disparaître.

 

Avocat pénaliste, maître Sieklucki exerce à Tours jusqu’en novembre 2011.

 

« Le décès de ma femme et associée Dominique Colin en 2008 m’a un peu cassé. J’ai continué, mais moins motivé. Or, être avocat pénaliste, c’est être dans une guerre permanente, c’est la bagarre, donc j’ai voulu arrêter avant qu’il ne soit trop tard. Je vois trop de confrères à la barre continuer malgré leur âge, alors qu’ils n’ont plus le talent d’avant. »

 

De son propre aveu, l’ancien avocat avait « la tête dans le guidon », passant d’un dossier à l’autre sans discontinuer. À soixante-quatre ans, il a donc enfin pris le temps de se poser, mais sans se reposer sur ses lauriers. Très vite, l’envie de coucher sur papier quelques souvenirs de procès s’empare de lui, et le voilà lancé dans une nouvelle vie, celle d’écrivain.

 

 

Mille vies après le prétoire

En dix ans, il a publié quinze ouvrages. Des témoignages tout d’abord, avec le premier Les criminels vont-ils tous en enfer ? en 2014, jusqu’aux récents Le cocotier de Grand-Bassam et La justice buissonnière, qui s’inspirent tous deux de personnages réels (un avocat, et un magistrat ayant exercé à Tours). Le monde judiciaire n’est donc jamais bien loin (« on parle mieux de ce qu’on connaît, c’est évident »), mais l’Histoire et la fiction s’y mêlent volontiers.

Captivé par l’histoire du bagne de Cayenne lorsqu’il plaide à quelques reprises en Guyane, Jean-Michel Sieklucki ramène alors de nombreux ouvrages. Et une fois lancé dans sa nouvelle vie littéraire, l’envie d’écrire sur ce thème le prend. Il rencontre à cette occasion l’historien Michel Pierre, spécialiste d’histoire coloniale et d’histoire pénale. Et puisque notre homme s’enthousiasme volontiers pour les nouveaux projets, les voilà lancés dans l’organisation d’une journée d’études à Vouvray, autour de l’histoire des bagnes français ! C’était en 2018, et le pénaliste avait réussi le tour de force de réunir en face-à-face Michel Pierre, convaincu de la culpabilité de Seznec, et Denis Seznec, défenseur de la mémoire de son aïeul.

C’est aussi à cette occasion que Jean-Michel Sieklucki entre en contact avec l’association Atouts et Perspectives, aujourd’hui installée en lieu et place de l’ancienne colonie agricole et pénitentiaire de Mettray. Le début d’une autre aventure entre Histoire et écriture : dans son ouvrage La Colonie de Mettray, lumière et ombre (2019), l’écrivain replonge dans les débuts de cet établissement-modèle de réinsertion des jeunes, qu’on connaît trop souvent pour ses seules années de déchéance en tant que bagne d’enfants.

 

« Moi qui ai toujours été indépendant, car tout ce qui est collectif me défrise un peu, j’ai accepté d’entrer comme administrateur dans l’association, pour animer culturellement ce lieu historique extraordinaire. »

 

Avec les préparatifs d’un colloque sur la prison, on pourrait penser notre homme rassasié en termes de projets. Ce serait se tromper ! En plus des conférences et autres rendez-vous à Mettray ou Chambray-lès-Tours, l’ancien avocat travaille déjà à une nouvelle reconstitution de procès. Là encore, les enfants sont concernés, puisqu’en 1903, l’une des religieuses du Refuge est jugée à Tours pour violences sur les jeunes filles recueillies dans leur couvent de la rue Courteline.

Théâtre et recherches en archives pour ces reconstitutions, écritures de livres d’histoire ou de fiction, conférences grand public… Suivre les activités de Jean-Michel Sieklucki emmène dans bien des chemins de traverse, tissés autour de sa passion pour la justice, qui fait que tout cela file droit.

 

Chronologie

  • 19 septembre 1947 : naissance à Tours
  • 1971 : prestation du serment d’avocat
  • 1977 : premier gros dossier criminel (Crespin/Revelli)
  • 1982 : élection au bâtonnat
  • 2005 : dernier gros dossier criminel (Roux-Durraffourt)
  • 2011 : retraite après 40 années d’exercice et 120 dossiers d’assises
  • 2014 : publication du premier livre : Les criminels vont-ils tous en enfer ?, préfacé par Henri Leclerc
  • 2019 : publication de l’histoire de la Colonie de Mettray (éditions Lamarque) et entrée comme administrateur dans l’association Atouts et Perspectives
  • 2022 : publication du seizième livre, La justice buissonnière, aux éditions Lamarque