Le 8 août dernier, le Futuroscope accueillait son 60 millionième visiteur. Depuis deux décennies, année après année (hors contexte covid), la fréquentation du premier parc d’attractions inauguré en France progresse, grâce au renouvellement des « expériences », la dernière en date ayant reçu en mars dernier le titre de « meilleure du monde » (nous avons eu le privilège d’en visiter les coulisses, eux aussi spectaculaires). Pas de secret : pour le Futuroscope, qui annonce un chiffre d’affaires de 120 millions d’euros en 2022, comme pour les autres, il faut investir, se renouveler, rester dans l’air du temps. Sans perdre de vue que ce dernier est de plus en plus écologique…

Peut-on encore apprendre quelque chose aux Poitevins sur le Futuroscope ? La réponse est oui ! Car depuis 1987, date de son ouverture, quelle évolution, que d’innovations pour le parc d’attractions familial dédié aux technologies de l’image… Mais justement : si les écrans étaient des équipements rares à la fin des années 80 et dans les années 90, ils le sont devenus de moins en moins, jusqu’à faire partie de notre quotidien. Bien sûr, ceux qui constituent les attractions du Futuroscope, même celles des premiers temps, n’ont pas atteint nos salons. Le parc a cependant dû évoluer, proposer plus de sensations à un public demandeur (le virage été pris en 2006 avec « Danse avec les robots »), pour de nouveau l’attirer après les années de moindre succès, 2003 étant la moins performante, au point que les observateurs craignaient à l’époque que le site ne ferme ses portes. À l’inverse, 1997, avec 2,9 millions de visiteurs, est l’année record.

 

©V. Liorit

La recette du succès

Les parcs d’attractions, globalement, fonctionnent bien, attirent du monde. 2 millions de visiteurs auront franchi l’entrée du parc poitevin en 2023. Ce qui classe le Futuroscope dans le même « top groupe » que le parc Astérix, le Puy du Fou et Beauval, Disneyland Paris étant, avec plus 10 millions de visiteurs (16 millions en 2012), hors catégorie. « L’une des premières raisons, explique Rodolphe Bouin, directeur général du Futuroscope, c’est l’investissement. Les investissements du Futuroscope ont été multipliés par trois depuis 2018. Nous arrivons à des produits très qualitatifs. Nous avons franchi plusieurs marches significatives pour nous installer définitivement dans le paysage français du tourisme et des loisirs. »

 

©V. Liorit

 

De fait, il est de tradition désormais, pour nombre de familles françaises qui ont la chance d’avoir le choix, de faire un ou deux parcs dans l’année. Ce sont des moments de ressourcement, de partage d’émotions en famille ou entre amis, des parenthèses dans une actualité et un avenir qui n’invitent pas franchement à l’optimisme. La rencontre entre les attentes et la qualité, qui a progressé, explique le succès du Futuroscope. Une fréquentation qu’il s’agit de maintenir : « Les investissements, colossaux (300 millions sur 2018-2028, contre 120 millions sur dix ans auparavant), portés par le parc (NDLR : qui a pour actionnaires principaux la Compagnie des Alpes, à 80 %, et le Département de la Vienne, à 18,5 %), sont faits pour renouveler l’offre, car beaucoup de gens sont déjà venus, un Français sur deux. Il faut les faire revenir. Il s’agit d’être innovant, de faire preuve d’imagination, de construire des produits inédits et uniques. » Des innovations qui, au passage, peuvent potentiellement intéresser d’autres structures. Le film L’Extraordinaire voyage est diffusé en Asie, par exemple. Étincelle, une attraction en 4D, au cours de laquelle est diffusé un film 15 minutes, est bien partie pour devenir un long-métrage de cinéma. Généralement, c’est l’inverse…

Naissance et concrétisation d’une idée

Dans les années 90, la technologie se suffisait à elle-même, poursuit Rodolphe Bouin. À un moment donné, il a fallu que le parc se réinvente. La technologie a dès lors dû être au service d’une expérience. La stratégie a été d’allier la technologie à des thématiques. Mais nous avons gardé ce qui faisait la force du Futuroscope auparavant, la technologie. Elle est toujours présente. Par exemple, pour ″Chasseurs de tornades″, l’écran LED est le plus grand d’Europe. La plateforme a été adaptée avec le fournisseur. Mais à présent, on cache la technologie, alors qu’on la montrait avant. »

 

Rodolphe Bouin, directeur général du Futoroscope. ©V. Liorit

 

Pour mettre en place une nouvelle attraction (il y en a 40 au total), il n’y a pas de recette particulière, de process établi. Différentes étapes se succèdent avant d’ouvrir une attraction. Parfois, cela vient d’un prestataire qui a mis au point une nouvelle technologie et la soumet aux dirigeants du parc. Parfois, puisque les équipes voyagent partout dans le monde, elles voient quelque chose qui parait intéressant d’un point de vue technologique. Ou encore, c’est la thématique qui va déclencher le reste. Il faut généralement quatre à cinq ans avant qu’une idée aboutisse concrètement. Un processus très internalisé. « Que ce soit pour une attraction, un restaurant, un hôtel, nous avons la main. Il y a sept chefs de projets, et une direction artistique garante de la ligne éditoriale. Ingénieurs et artistes travaillent main dans la main. Un troisième service travaille de plus en plus avec eux : les équipes qui vont devoir exploiter les attractions. Les comités de pilotage se réunissent tous les quinze jours pendant trois ans. C’est ainsi que l’on obtient des choses originales, qui ne se voient pas ailleurs. » Les projets bien lancés qu’il faut abandonner en cours de route sont rares. Ce n’est pas le cas de celui que nous allons vous présenter…

« Chasseurs de tornades » : toute une aventure

Inaugurée en 2022, l’attraction « Chasseurs de tornades » est une histoire d’amour dans le vent, du genre qui décoiffe, entre Alex, baroudeur et inventeur d’un véhicule capable de résister aux vents très violents, et Mélanie, cheffe du Centre de Surveillance météorologique extrême, inventeuse d’une sonde qui, potentiellement, peut disperser ce genre de phénomène naturel. Au début tout va bien, mais soudain la machine s’emballe, car une tornade arrive vers Poitiers. Les éléments se déchaînent, le public est ballotté à gauche, à droite, reçoit un peu d’eau, beaucoup d’air, tandis que les images, diffusées à 360°, le plonge un peu plus dans l’histoire et l’impression « d’y être ». C’est le but.

 

©V. Liorit

 

La mise au point de cette attraction est en elle-même toute une aventure. Tout a commencé en 2018, lorsqu’il a fallu remplacer, dans un pavillon construit en 1995, une précédente animation – une exposition sur la maison de demain – qui ne rencontrait plus le public. Le service « projets » s’est donc vu confier la mission de renouveler le contenu de ce bâtiment à l’horizon 2022, pour un budget de 21 millions d’euros. Quelques voyages à l’étranger plus tard, le choix se portait sur un « motion theater », une plateforme mobile avec un mélange de décors réels et de projection vidéo. La direction artistique s’est alors lancée dans l’écriture d’un scénario, sur la thématique des tornades (qui n’est pas sans lien avec le dérèglement climatique).

Deux ans d’études ont été nécessaires pour réaménager le bâtiment, monter une équipe de maîtrise d’œuvre, une autre équipe d’ingénieurs pour l’installation technique, puis encore deux ans de travaux, assurés par des entreprises de la Vienne, pour adapter le bâtiment. Précisons qu’hormis la plateforme, importée du Canada, tout a été réalisé ou monté par des entreprises françaises. La conception, le montage de l’écran LED et du système son sont signés FMD, la filiale Maintenance et Développement du Futuroscope. Quelques mois de réglages plus tard, une fois recueilli l’avis des premiers visiteurs, « Chasseurs de tornades » était au point !

Dans les coulisses de « Chasseurs de tornades »

Tout aussi spectaculaires sont les coulisses de cette impressionnante machine. Nous voici dans le noir, à 8,50 mètres au-dessus des spectateurs. C’est de là-haut que sortent les sons. Un système particulier, car il n’était techniquement pas possible d’installer les points de diffusion sonores derrière l’écran. Les 18 sources sonores sont donc placées en hauteur, sur une couronne périphérique, autour de la salle. La profondeur du son est réglée numériquement. Là-haut aussi se trouvent 40 ventilateurs de différentes tailles, qui assurent les effets venteux, le procédé qui envoie des gouttelettes sur le public, le système d’éclairage… Après avoir descendu les escaliers, en longeant pendant un moment l’écran LED cylindrique de 420 m2 (800 tablettes Samsung assemblées bout-à-bout), de 17 m de diamètre et 8 m de haut, nous parvenons sous la plateforme (120 places), montée sur vérins et qui peut tourner jusqu’à 30 km/h. Son poids, chargée : 80 tonnes. Elle a coûté à elle seule 7 millions d’euros.

 

Derrière ces grilles, les dessous de la plateforme ; 80 tonnes qu’il s’agit de faire mouvoir… ©V. Liorit

 

« Elle a été conçue au Canada et est arrivée sur seize containers, indique Rémi Codron, chef de projet. Un des porte-containers est resté bloqué dans le Pacifique pendant trois mois, en raison d’une avarie. Or, l’un des containers renfermait tous les boulons ! Sans boulons, pas de plateforme… Nous avons commencé à la monter avec des boulons provisoires, puis à monter la structure de l’écran LED. Quand les boulons sont arrivés, nous avons remplacé tous ceux qui étaient provisoires. » Comme les meubles, la plateforme a été livrée avec un mode d’emploi de 251 pages ! C’est une société française spécialisée dans les remontées mécaniques qui a été chargée de la besogne. Car les fabricants d’attractions, quels qu’ils soient, ne montent jamais leurs manèges.

Tout est automatisé, piloté par deux opérateurs. « Il faut juste appuyer sur un bouton vert pour lancer l’attraction, précise Rémi. Cela fonctionne avec un time-code : nous avons programmé, toutes les millisecondes, le déclenchement d’une porte, le déclenchement d’un ventilateur, le déclenchement d’une lumière de telle couleur, le son sur telle enceinte, le déplacement du pick-up, etc. Cela a demandé six mois de programmation. » Au bout, le titre de meilleure attraction du monde, décerné à Los Angeles, celui de meilleure attraction 2022 (et prix de l’innovation) aux ParkWorld Excellence Awards de Londres…. et la satisfaction de 900 spectateurs par heure !