La saga Jacquemin débute en 1876 avec Jules Evariste, l’arrière-grand-père de Dominique Jacquemin, actuel gérant de la manufacture. Installé à Prémanon, Jules produit principalement des meubles à tiroirs appelés layettes, destinés au rangement de petits accessoires pour la lunetterie ou l’horlogerie, dont l’activité est florissante dans le Jura au XIXe siècle. « L’histoire de la Manufacture Jacquemin est très représentative de l’histoire de la tabletterie dans le Jura en général. » explique Lise Gauthier, en charge du développement commercial pour l’entreprise. « La tabletterie, c’est un métier local qui consiste à créer et assembler des pièces de bois de forme rectangulaire – typiquement, des plateaux et des coffrets -, par opposition à la tournerie qui produit des objets ronds. Les 4 générations qui se sont succédé à la tête de notre entreprise ont fabriqué des produits de tabletterie en s’adaptant aux contraintes et aux besoins de chaque époque. »

« Au début du siècle suivant, le grand-père de Dominique, Victor, va reprendre l’entreprise et se spécialiser dans les coffrets à couture, les boîtes à fiches et les travailleuses. Il a fait le choix de s’éloigner des productions traditionnelles locales pour se tourner vers quelque chose de plus moderne. » Intégrés au catalogue Manufrance, ces nouveaux produits jugés novateurs intéressent bien vite les grands magasins parisiens. Pour se fournir en matières premières et faciliter le transport de ses marchandises, Victor délocalise l’entreprise à Chamblay en 1956, près de la scierie qui fournit encore aujourd’hui la majorité des essences nécessaires à la production. Dans les années 60, le père de Dominique, Noël, opère un nouveau tournant : les usages évoluent, le bois attire moins et de nouveaux matériaux font leur apparition. Noël travaille alors comme sous-traitant pour de grandes marques comme Mobalpa, Pebéo et Terraillon et produit des habillages de pèse-personnes, des casiers à couverts et des boîtes de toutes sortes, pour la peinture par exemple.
« Des forêts du Jura à votre intérieur »
Ébéniste formé chez les compagnons du devoir, Dominique Jacquemin reprend l’entreprise en 1995. Celui qui a toujours « traîné dans l’usine » quand il était petit va à son tour subir de plein fouet la mondialisation et les conséquences de la production de masse. « Dans les années 2000, les grands acheteurs vont faire le choix de s’adresser aux pays asiatiques et ça va être une période très difficile pour tous les tabletiers du Jura. C’est un métier qui est vieillissant. Beaucoup ont abandonné. Nous, on a fait le choix d’évoluer et de se renouveler. Comme je le dis souvent, on n’est pas un musée, on vit des produits qu’on vend. » explique Lise. Un voyage en Chine plus tard, Dominique choisit de réorganiser l’atelier et de se tourner vers le haut-de-gamme et la production en petites séries afin d’offrir des produits qualitatifs, personnalisés, tout en étant plus souple et plus réactif.

« Longtemps, on a travaillé avec des outils traditionnels mais il a fallu s’adapter au marché et acquérir des machines plus industrielles, à commande numérique par exemple, pour proposer des formes plus modernes. Si on ne fait que du coffret classique, les commandes vont être limitées. Nos clients nous demandent d’être force de proposition. Nous étions déjà reconnus pour notre savoir-faire, il a fallu en plus innover et donc s’équiper. » Un nouvel équipement qui pousse Dominique à déménager à nouveau : installée à Cramans depuis 1995 , la manufacture Jacquemin va alors opérer un tournant dans sa production en travaillant à 90 % pour des grandes marques de luxe : « Ces dernières années, on a noté un vrai retour au « Made in France » et même au « Made in Jura », parce que c’est un gage de qualité. Alors les marques sont revenues vers nous. On produit principalement pour l’horlogerie, les cosmétiques et les vins et spiritueux. On fabrique par exemple des boîtiers pour montres, des coffrets de parfum, des présentoirs, des plateaux… ». Plus récemment, l’entreprise a également créé sa propre marque, vendue principalement en ligne et dans son showroom. Un choix qui s’inscrit dans une démarche éco-responsable.
Une marque dans l’air du temps
« Le local, c’est dans l’ADN de Dominique. » raconte Lise. « On veut travailler de beaux objets, de beaux bois, dans le respect de la nature en valorisant ce qu’elle a à nous offrir. On ne travaille que des bois locaux et on oriente les clients sur des finitions naturelles, tant pour eux que pour nos salariés. On privilégie les finitions à base d’eau ou d’huile plutôt que des produits polyuréthanes par exemple. On se fournit dans des scieries à 15 km maximum de l’entreprise. Les clients sont très sensibles à cette démarche. Ils sont aussi très exigeants dans le choix du bois, que nous sélectionnons avec rigueur, ce qui peut parfois générer des chutes. Pour valoriser au mieux notre matière première, on réutilise les plus beaux morceaux pour notre gamme d’objets. Toutes les parties qui ne sont pas réutilisables nous servent à alimenter notre chaudière en hiver. » Là encore, la manufacture Jacquemin va miser sur l’originalité et la qualité. Parmi ses produits phares, des objets insolites, comme des porte-bouteilles personnalisables, des cadres pour vinyles, des porte-vélos ou encore des tire-bottes.

« Pour notre marque, on n’a pas de limite dans l’innovation, mais on a décidé de fabriquer uniquement des produits utiles, qu’on peut utiliser au quotidien, en privilégiant les univers de la décoration, de la cuisine et du rangement. On propose par exemple des planches à découper, des corbeilles de fruits, des caves à fromages, des boîtes à bijoux ou à thés, des organiseurs ou encore du petit mobilier, comme des tabourets. Mais notre best-seller reste le coffret à montre. » De l’artisanat local « dans l’air du temps » disponibles en plusieurs essences de bois certifiés PEFC (noyers, français et américain, chêne, hêtre, frêne, érable, merisier, tilleul…) et proposés à des tarifs attractifs. « Pour notre marque propre, On privilégie la vente en direct plutôt que de passer par des revendeurs car on veut proposer des tarifs au plus juste. La tabletterie aujourd’hui, c’est un beau plateau en chêne massif, Made in Jura, de qualité, avec des arêtes cassées, de belles finitions et qu’on peut s’offrir pour chez soi, à un prix raisonnable. »

Une entreprise locale, créative et engagée qui ne manque pas de projets : en 2024, la manufacture Jacquemin s’est agrandie avec une extension de 150 m² qui lui a permis de doubler sa surface de production. Sur Internet, l’entreprise voit également les choses en grand ! Un tout nouveau site a été mis en ligne cet été pour proposer à la vente les produits de sa marque, parmi lesquels une nouvelle collection de porte-manteaux muraux et de patères. Preuve de l’excellence de son savoir-faire, la manufacture Jacquemin est également labellisée « Entreprise du Patrimoine Vivant » depuis 2009. Une prestigieuse reconnaissance qui récompense un artisanat d’exception, made in Jura !
Lire aussi : Michel Watrelot, luthier « barock »














