Tombé dedans quand il était petit
Antoine n’a que 7 ans quand son père décide d’acheter un petit bateau pour l’emmener à la pêche les week-ends. Fasciné par le Vendée Globe et les voiliers, le jeune garçon farfouille très tôt dans l’atelier paternel pour fabriquer des bateaux dans des bûches de bois. Une vocation était née… Dès le collège, il effectue un apprentissage dans un chantier naval des Sables d’Olonne et poursuit avec un CAP Menuisier Fabricant, avant de rejoindre Cherbourg pour un CAP de Charpentier de Marine. Alors qu’il cherche un stage, il va croiser le chemin de Franck Roy, un constructeur naval renommé basé à La Rochelle, spécialisé dans la fabrication de Solenn et de Monotypes d’Arcachon. Embauché pour trois semaines, puis en CDD pour l’été, Antoine va poursuivre son BP Charpentier de Marine en apprentissage auprès de son mentor, avant de rejoindre l’équipe en CDI pendant dix ans.
Quand il décide de quitter le chantier pour se rapprocher de sa Vendée natale, Antoine apprend que Franck Roy vend son entreprise. Les expériences professionnelles s’enchaînent pour le jeune Vendéen, notamment chez un constructeur semi-industriel de catamarans de luxe. En 2020, il rejoint le repreneur du Chantier Naval Franck Roy, délocalisé en Vendée, en tant que chef d’atelier. L’entreprise fermera ses portes un an et demi plus tard. Au chômage à l’été 2021, Antoine se lance dans la restauration de son propre bateau, le Bélouga, dans le hangar familial. Dès lors, ses anciens clients se rappellent à son souvenir. « Je recevais des coups de fil de propriétaires qui voulaient que je m’occupe de leur bateau. L’idée a commencé à germer. Au début, je pensais seulement gérer l’entretien et la réparation des voiliers, mais je ne voulais pas voir le patrimoine de l’entreprise Franck Roy disparaître. »
Réussir une tarte aux pommes
Installée dans une ancienne carrosserie d’Aubigny-Les Clouzeaux depuis le 25 Janvier 2022, l’entreprise d’Antoine Potier « AP Yachting » propose quatre modèles de voiliers de plaisance haut de gamme, destinés à une clientèle de passionnés. « Fin 2021, j’ai fait l’acquisition aux enchères de matériels et outillages du Chantier Naval Franck Roy, notamment des moules en polyester des Solenn et du Monotype d’Arcachon. Ce sont des bateaux dits ″néoclassiques″ : on a gardé les lignes de la Belle Époque, en y ajoutant tout le confort de la navigation moderne. La coque en bois a été remplacée par des matériaux composites par exemple, ce qui la rend plus légère et plus facile à entretenir. L’élégance est toujours là. La performance en plus. »
Si certains matériaux ont évolué, le savoir-faire artisanal perdure. « Souvent, je dis à mes stagiaires : ″Construire un bateau, c’est comme faire une tarte aux pommes !″ Il y a un moule en verre, on met la pâte dedans, on cuit, et quand on sort la pâte du four, elle a pris la forme du moule en verre. Pour la coque, c’est pareil. On a un moule dans lequel on met la fibre de verre colorée et la résine, on laisse durcir. On ajoute ensuite nos ″tranches de pommes″, nos cloisons. Puis on démoule. » Reste ensuite à intégrer le moteur, coller le pont (moulé en résine également), fabriquer les lattes en teck, ajouter les pièces en acajou, aménager l’intérieur en chêne, poser la quille et son système hydraulique, installer l’électricité… Une « tarte aux pommes » qui nécessite quand même près de neuf mois de travail !
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Le sur-mesure, la force d’AP Yachting
S’il fait appel à des sous-traitants pour la réalisation de certaines parties des bateaux (la voile, le mât et l’électricité par exemple), Antoine aime les défis et s’adapte à toutes les demandes. « Je ne fais que du sur-mesure. Le client décide de tout. L’un d’entre eux voulait ajouter une gazinière, nous l’avons fait. Il n’y a pas deux bateaux identiques. C’est la force de notre chantier. » Rejoint récemment par Thibaut Giovannoni, un ancien collègue lui aussi charpentier de marine, Antoine Potier souhaite se développer et pouvoir recruter à nouveau. « Aujourd’hui, nous avons la capacité de fabriquer trois bateaux par an. La construction d’un nouveau Solenn va débuter prochainement. L’entretien et la réparation occupent la moitié de notre activité. C’est le bouche-à-oreille qui nous apporte le plus gros de notre clientèle. Et puis après, il y a des coups de cœur, lors de salons par exemple. J’ai recruté Thibaut après le Grand Pavois à La Rochelle fin 2022 où j’ai vendu mon premier bateau. »
Antoine ne compte pas s’arrêter là et a proposé en avril dernier un tout nouveau modèle au Salon nautique d’Arcachon : le fameux Bélouga, sur lequel il avait commencé à travailler lors de sa période de chômage. « C’est la première fois que j’aménageais un bateau pour moi, avec mes codes, en m’affranchissant des plans. Je l’avais déjà présenté comme projet au Grand Pavois et il avait eu beaucoup de succès. J’ai failli repartir sans ! Aujourd’hui, je voudrais pouvoir le proposer comme modèle et lancer une production, mais toujours à petite échelle. » Car ce qui compte pour Antoine, c’est avant tout de garder le cap et d’accompagner ses bateaux jusqu’à leur grand départ : « J’ai toujours des frissons au moment de la mise à l’eau. Voir le sourire des clients, c’est ma plus grande satisfaction. » Nul doute que son savoir-faire inestimable continuera de séduire les amateurs de voiliers d’exception !
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