Avec son délicat parfum d’amande, la colle Cléopâtre a pris place dans les trousses de plusieurs générations d’élèves au point de devenir la fourniture scolaire incontournable de la rentrée ! Si la formule du petit pot né en 1930 a peu changé au fil du temps, l’entreprise qui le produit a, elle, pris avec succès le virage du XXIe siècle. Plongée dans les secrets de fabrication de la colle au bouchon orange.

Un parfum d’enfance

Paris, 1930, quartier du Marais. Dans son appartement, Pierre Chamson se lance dans la fabrication de colle avec deux ingrédients très simples : de l’eau et de l’amidon, une substance naturellement présente dans les pommes de terre ou le maïs. Dans cette période d’entre-deux-guerres, les Français n’achètent pas de colle, c’est un produit coûteux. Ils la fabriquent chez eux directement, avec de l’eau et de la farine, chauffés jusqu’à évaporation. La colle de Monsieur Chamson, alors conservée dans de petits pots en aluminium, est commercialisée directement auprès des écoles et des entreprises.

Le coup de génie vient en 1934, alors que la concurrence fait rage. Est ajouté à la composition de la colle un tout nouvel ingrédient, naturel lui aussi, utilisé comme conservateur : l’amande. Autre innovation majeure, une sorte de petite cheminée qui permet de ranger un pinceau. Succès immédiat pour le petit pot à l’odeur irrésistible ! D’autres produits font bien vite la renommée de la marque, et notamment les colles liquides, comme l’Adhésive, qui permet de coller les fameuses images échangées contre des bons points.

La colle au bouchon orange

Il faut attendre les années 50 pour que le petit pot prenne, peu ou prou, l’aspect qu’on lui connaît aujourd’hui. Le plastique succède à l’aluminium, la spatule au pinceau, et le bouchon auquel elle est maintenant accrochée prend une belle couleur orange, très tendance à l’époque. Victime de son succès, l’entreprise, qui a changé de propriétaires en 1954, est contrainte de déménager dans le 20e arrondissement de Paris. De l’injection au remplissage des pots, en passant par la fabrication de la colle, la totalité de la production est alors réalisée dans ces nouveaux locaux… bientôt trop petits à leur tour !

Fin de l’aventure parisienne en 1971 : les colles Cléopâtre déménagent à Ballan-Miré, près de Tours, notamment en raison de l’attachement des propriétaires à la Touraine. C’est le temps de la modernité pour l’entreprise qui connaît un tournant majeur en produisant des bâtons de colle (deuxième fournisseur en Europe). Autre changement, le joli bouchon orange… devient bleu ! À la fin des années 70, l’orange n’est plus aussi à la mode et devient même synonyme de produit « bas de gamme ». Une révolution que commente Catherine, salariée de l’entreprise depuis 1984 :

« J’ai connu petite la colle qui sent bon, mes enfants aussi, aujourd’hui mes petits-enfants. Je travaille ici depuis 38 ans. Je remplis les pots de colle blanche, je mets les gommettes sous blister, je m’occupe aussi de la peinture. J’ai vu l’évolution de l’entreprise, d’un travail réalisé essentiellement à la main à l’automatisation, de l’impression des pots avec de l’encre à l’arrivée des étiquettes… et bien sûr le changement de couleur du pot de l’orange au bleu, puis de nouveau à l’orange dans les années 2000. »

 

 

L’usine en bois

En 2000, l’entreprise Cléopâtre est rachetée par un jeune chef d’entreprise, Alexandre Marionnet. Fils de cultivateur, il développe de nouvelles formules de colles à partir de molécules végétales et renforce l’engagement environnemental de la marque : produits rechargeables, matières renouvelables, emballages recyclables, diminution de l’impact des transports, valorisation des déchets, sensibilisation des consommateurs…  « L’environnement est dans l’ADN de Cléopâtre depuis sa création puisque nous fabriquons des colles à base de produits naturels, contrairement à nos concurrents qui utilisent des solvants », commente Fabrice Clabaut, directeur commercial.

« C’est important pour nous de protéger la planète, pour les enfants, qui sont nos premiers clients. »

C’est ainsi qu’en 2004 germe l’idée d’une nouvelle usine, plus propice à de nouvelles méthodes de travail. Nom de code du projet : l’usine en bois ! En 2006, le rêve prend vie sur les hauteurs de Ballan-Miré. Structure en bois réalisée par une entreprise locale, usine sans égout direct rendant ainsi impossible une pollution accidentelle, recyclage de l’eau utilisée pour le processus de fabrication des produits, plantation d’arbres aux essences variées, installation de ruches, fauchage raisonné… le cahier des charges est strict, mais la récompense est là : en 2008, Cléopâtre devient la 25e entreprise française à obtenir la Certification EMAS (EcoManagement and Audit Scheme), la norme environnementale la plus stricte du monde.

 

Le boom des loisirs créatifs

En 2006, Cléopâtre étend sa gamme de produits destinés aux enfants et se lance dans un secteur en constante progression : les loisirs créatifs.

« L’entreprise ne faisait que de la colle, il y a encore quinze ans, explique Fabrice Clabaut. Nous nous sommes mis à faire de la peinture car ce sont les mêmes bases produits. Nous avons aujourd’hui une gamme très large, avec de la gouache, de l’acrylique, des gels pailletés… Nous nous sommes lancés dans d’autres produits, comme la pâte de modelage, avec de l’amidon de maïs et de la colle à bois, la fameuse WePam, et nous avons racheté l’année dernière un fabricant français de gommettes et d’objets en carton, Gribouill’art. »

Avec plus de 600 références, l’entreprise, qui emploie quarante personnes et produit 25 000 bouteilles de colle par jour, tourne à plein régime, avec un objectif sans cesse renouvelé : créer de l’émotion. À la peinture, aux gommettes et au petit pot de colle, qui a connu un rajeunissement il y a deux ans (nouveau pot, fermeture à vis, spatule souple plus maniable), Cléopâtre a ajouté de nouveaux produits, toujours plus innovants. Parmi eux, les Cléoblock, des briques de construction en carton que l’on peut peindre ou recouvrir de gommettes, utilisées par les professeurs des écoles comme outils pédagogiques pour apprendre à compter par exemple, mieux appréhender l’écriture cursive, gérer ses émotions. Autre produit phare, la mini serre Cléogarden, un kit pédagogique horticole qui facilite et rend ludique l’apprentissage du monde du vivant aux enfants… testé en avant-première dans une école de Ballan-Miré, évidemment !

 

 

Et Cléopâtre, demain, c’est quoi ?

Aujourd’hui, Cléopâtre évolue sur trois marchés principaux : le scolaire (vente dans les écoles via des grossistes), le créatif (vente en magasins de chaîne) et le secteur « rentrée scolaire » (vente en supermarchés et magasins de bureau). Ces dernières années, Internet est devenu également un secteur porteur pour l’entreprise qui réalise 15 % de son chiffre d’affaires en ligne, notamment en travaillant avec des influenceurs et en profitant des effets de mode comme le « Slime ».

Depuis 2008, Cléopâtre est également labellisée « Entreprise du Patrimoine Vivant », une distinction du ministère de l’Environnement qui valorise l’Excellence Française et qui est « attribuée aux entreprises qui détiennent un patrimoine économique, composé en particulier d’un savoir-faire rare, renommé ou ancestral, reposant sur la maîtrise de techniques traditionnelles ou de haute technicité et circonscrit à un territoire ». Si la renommée de la marque n’est plus à faire dans l’hexagone, Cléopâtre cherche désormais à se développer en Europe, principalement en Espagne et en Allemagne. Nul doute que le petit pot de colle au bouchon orange et à l’odeur d’amande marquera encore longtemps l’esprit des écoliers, d’ici ou d’ailleurs

Le secret du petit pot

Le secret du petit pot, c’est Fabrice Clabaut, directeur commercial de l’entreprise, qui nous le confie : « On fabrique toujours la colle de la même façon, avec de l’eau et de l’amidon de maïs, chauffés avec de l’extrait d’amande. La mixture est ensuite versée directement dans le pot, à l’état liquide, puis placée en chambre froide pour qu’il durcisse. C’est ainsi qu’on obtient cette structure de pâte, à l’odeur incomparable. »