Sur la rive droite de l’estuaire de la Gironde, à 15 km de Royan, les « trous » de Meschers-sur-Gironde constituent un patrimoine troglodytique exceptionnel, forgé par les hommes et les éléments.

Naufrages et piraterie

Les Grottes du Régulus sont des grottes naturelles, façonnées dans des falaises calcaires il y a 140 millions d’années, à l’époque où l’océan s’étendait jusqu’à Saintes. Aujourd’hui, ces parois abruptes se dressent à plus de 25 mètres au-dessus du niveau de la mer et une quinzaine de grottes et de terrasses s’y succèdent sur près de 300 mètres.

Site refuge pour les protestants pendant les Guerres de Religion, les grottes du Régulus servent également à conserver du grain ou du sel, dans des silos creusés en terrasses. Leur emplacement en fait aussi un parfait lieu de surveillance pour les pirates et autres détrousseurs d’épaves. L’histoire a ainsi retenu le nom d’un certain « Cadet » qui, selon la légende, aurait poussé de nombreux vaisseaux au naufrage en les guidant, lors des tempêtes, avec une lanterne accrochée aux cornes de son bouc, Belin, promené sur le rivage. Se croyant arrivés au port, les navires, trompés, s’abîmaient sur les récifs. Le brigand n’avait donc plus qu’à se servir.

 

 

Au XIXe siècle, c’est une autre débâcle maritime qui va donner son nom aux Grottes du Régulus. Sous le règne de Napoléon Ier, le capitaine de vaisseau Jacques-Matthieu Régnauld se voit confier la délicate mission de barrer l’entrée de l’estuaire de la Gironde à la flotte anglaise. À bord de son fameux deux ponts trois mâts baptisé Le Régulus, il mouille en rade du Verdon, accompagné de trois autres navires. Bien vite, une dizaine de vaisseaux britanniques apparaissent à l’horizon et se mettent à faire feu. Réfugié avec son équipage devant le fort de Meschers, Régnauld choisit de saborder son navire plutôt que de le laisser à la merci des Anglais. La légende dit que le bateau brûla pendant trois jours. C’est depuis cette nuit du 7 au 8 avril 1814 que les grottes qui ont fait face au brasier portent le nom de ce navire perdu.

 

Troglodytes et bains de mer

Quelques décennies plus tard, les grottes sont aménagées en habitations privées, où résident notamment des familles de pêcheurs. Avec l’essor du chemin de fer, la vogue des bains de mer gagne le littoral Atlantique. Une partie du site sert alors de « guinguette », un lieu de divertissement et de restauration où l’on vient se délasser après la baignade. Marie Guichard, qui sera la dernière habitante des grottes, a alors l’idée de se faire photographier dans son modeste logement et d’en faire des cartes postales qu’elle vend aux touristes. Décédée en 1923, elle est devenue une figure emblématique du site.

 

 

Achetées par la municipalité de Meschers-sur-Gironde en 1980, les grottes du Régulus sont ouvertes à la visite six ans plus tard, après un long travail de restauration confié à un puisatier. En 2002, les grottes voisines des Fontaines sont intégrées au site. Elles doivent leur nom à leurs parois suintantes, résultat du ruissellement des eaux de pluie, et abritent aujourd’hui un espace d’accueil et des salles de visites complémentaires. On y aborde de nombreuses thématiques liées à l’histoire des grottes, comme la géologie, la pêche, les carrelets, mais également la vie des habitants et pirates du site. L’écologie et la sauvegarde du littoral sont également évoquées, ainsi que les espèces qui peuplent l’estuaire, comme l’esturgeon d’Europe avec lequel on produisait autrefois le caviar d’Aquitaine et qui bénéficie aujourd’hui d’un programme de protection.

En 2022, des travaux de sécurisation de grande ampleur ont été menés pour sauver le site, soumis aux aléas climatiques et fragilisé par l’eau, le sel, le vent. Un investissement nécessaire qui permettra de préserver la beauté des Grottes du Régulus et d’offrir une expérience renouvelée à ses 70 000 visiteurs annuels.