Construit au début du XIIIe siècle, à 809 mètres d’altitude sur une barre rocheuse de grès rouge au cœur des Vosges, le château de Salm n’est plus que ruines.

Quelques vestiges de remparts, de murs et de tours, voilà ce qu’il reste du vieux château médiéval de Salm, perché en nid d’aigle à plus de 800 mètres d’altitude, sur les hauteurs de La Broque. Pour autant, grâce au formidable et patient travail de l’association des Veilleurs de Salm, créée en 2004 pour sauvegarder le site, le visiteur se rendra compte qu’il n’est pas ici dans des ruines anodines. Bien au contraire !

Un château lorrain avant d’être alsacien

Pour en comprendre l’importance, il faut se plonger dans l’Histoire. Si le château est aujourd’hui en Alsace, cela est relativement récent. Jusqu’au traité de Frankfurt du 10 mai 1871, qui fixa, notamment, la limite départementale entre le Bas-Rhin et les Vosges, il était en terre lorraine.

À l’origine se trouve une famille issue de l’ancienne noblesse lotharingienne, les Salm, dont plusieurs membres se mirent au service des souverains francs et saxons. Elle apparût dès 899 avec le comte Wigéric qui fréquentait la cour de Zwentibold (870/871-900), dernier roi de Lotharingie. À la mort de celui-ci, en 900, Wigéric passa au service de Charles III le Simple (879-929) dont il épousa, vers 907, la nièce, Kunigunde de Hennegau. Il porta, successivement, les titres de comte de Trèves (Trier), comte d’Ardennes et, vers 916, celui de comte Palatin de Lorraine.

Sigfried, l’un des fils de Wigéric, échangea, avec l’abbaye Saint-Maximus de Trèves, des portions de territoire dans le but d’édifier, au lieu-dit Lucilinburhuc, un château et une cité dont il adopta le nom (963). Sigfried fut ainsi le premier à porter le titre de comte de Luxembourg. Lui succédèrent son fils, puis deux petits-neveux. Le dernier, Giselbert, avait reçu de son père un territoire situé au nord des Ardennes. Il prit le nom de la rivière Salm et devint le fondateur d’une nouvelle dynastie. Alors que Conrad, son aîné, devint comte de Luxembourg, le cadet, Hermann, le sera de Salm.

 

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Des murs de trois mètres d’épaisseur

Son fils, Hermann II, obtint l’avouerie de l’abbaye de Senones (1126) qui lui fut confirmée par l’évêque de Metz, un proche parent. Mais ce fut son mariage avec Agnès, de la famille des comtes de Bar et veuve du comte de Langstein, qui constitua concrètement le point d’ancrage de la famille dans les Vosges. Ce mariage mit Hermann II en possession de la forteresse de Pierre-Percée dont dépendait un territoire étendu, englobant la ville de Badonviller, puis, plus tard, de Blâmont et de Deneuvre. Les comtes qui suivirent purent, par des alliances avec les principaux nobles du pays (dont les comtes de Bar et de Dabo), conserver et élargir plus pacifiquement leur domaine.

C’est ainsi que Henri III, déjà fort de la possession de nombreux châteaux, en éleva un nouveau, entre 1205 et 1225, dans la vallée de la Bruche, sur les terres de l’abbaye de Senones. Il était doté alors d’un mur bouclier derrière lequel s’abritaient des bâtiments d’habitation et la citerne. Un palais, de style gothique rhénan, reposait contre les courtines du nord et nord-est que dominait le donjon, construit sur le plus haut point du rocher. Ses murs atteignaient trois mètres d’épaisseur. Plus tard, au XIVe siècle, les défenses seront renforcées par une tour de flanquement pleine, et au XVe siècle, par une épaisse tour-bouclier et une poterne à l’avant du château.

Le domaine fut, dès lors, appelé Salm en Vosges ou Obersalm, par opposition au Salm originel en Ardenne, ou Niedersalm. Il s’agissait pour le comte de Salm, de contrôler et de protéger efficacement ses ressources économiques développées dans la région depuis des siècles, notamment les forges de Framont, au pied de la montagne du Donon. L’enjeu était de taille, car l’exploitation du fer (comme du sel) était de nature à lui assurer un enrichissement notable.

Querelle avec l’évêque de Metz

Henri IV s’évertua à poursuivre la même politique. Cependant, comme il n’était pas propriétaire du terrain, des querelles s’élevèrent avec celui qui l’était réellement, l’abbé de Senones, lequel fit intervenir le puissant évêque de Metz, Jacques de Lorraine. Bien décidé à réduire la puissance de la noblesse, il profitera d’une opportunité, l’endettement du comte, pour l’obliger à lui vendre ses châteaux de Salm et de Pierre-Percée, entre 1250 et 1258.

Le comte les reprendra néanmoins en fief et, après la mort du prélat, il signera avec l’abbaye un contrat d’exploitation minière (1261) qui lui laissera les mains libres pour devenir progressivement le véritable propriétaire des forges.

Devenu sans intérêt, le château de Salm était voué à disparaître. Son déclin fut accéléré par Jean III qui, en revendant par lots ses biens à des propriétaires différents, provoqua le déplacement et le recentrement de la politique des Salm dans le pays lorrain. Jean IV lui donna le coup de grâce en engageant le château (1410) en faveur de Philippe de Norroy pour le remboursement d’une dette. Ne bénéficiant plus de réparations d’aucune sorte, il n’était plus que ruines en 1564.

Ce sont les Allemands qui le classèrent, en 1898, sur l’inventaire des Monuments historiques et entreprirent des travaux de consolidation. Mais le château fut malheureusement bombardé par l’artillerie française lors des combats de 1914 parce que s’y trouvait un poste d’observation de l’armée ennemie. Depuis 2004, les travaux de réhabilitation du site engagés par l’association des Veilleurs de Salm ont permis de remettre au jour des murs qu’on ne soupçonnait plus et de mieux comprendre les différentes étapes de construction.