Situé à un carrefour stratégique, entre Puy-du-Fou, châteaux d’Anjou et de Touraine, et Futuroscope, le château de Monts-sur-Guesnes, dans la Vienne, a ouvert ses portes le 26 mai 2022. Ici, 800 m2 d’espaces « découverte » font la part belle aux technologies de pointe – tablettes, vidéo-mapping, effets spéciaux – pour un voyage dans le passé qui replace le Poitou au centre de l’Histoire de France, celle du Moyen-Âge surtout.

Si vous avez programmé une visite du château de Monts-sur-Guesnes, ne vous attendez pas à cheminer dans un monument traditionnel, à la suite d’un guide conférencier qui vous expliquerait le pourquoi du pont-levis et le comment de la chapelle. Certes, le château local possède une emprise considérable dans le village, à tel point qu’il ne peut passer inaperçu. Mais on ne vient pas vraiment là pour ses pierres, plus ou moins âgées. Transformé au fil des siècles, partagé en appartements il n’y a encore pas si longtemps, servant en partie d’hôtel de ville, son intérêt réside ailleurs, dans la spectaculaire muséographie qu’il abrite. Il a en quelque sorte, d’une certaine façon, retrouvé sa fonction patrimoniale perdue, ou diluée dans le temps. « Nous sommes à la frontière entre un château, un musée et un parc de loisirs », le définit Pierre Baronnet-Frugès, son directeur. Un historial, comme pour la Grande Guerre, la Vendée, Charles de Gaulle, Jeanne d’Arc et Hartmannswillerkopf ? C’était l’idée initiale, portée dès 2012 par une association, les Amis de l’Historial du Poitou. Mais le projet a évolué depuis. « Un historial a une mission de conservation, ce qui n’est pas le cas ici. »

Pour autant, il est vrai qu’à travers ses différents aménagements – 10,5 millions d’euros de travaux sur deux ans et demi (dont 3,5 millions pour la seule muséographie) financés à hauteur de 2,7 millions par le Département –, c’est une grande partie de l’Histoire du Poitou qui est retracée dans les ailes nord et ouest, un accent étant particulièrement mis sur l’incontournable Aliénor d’Aquitaine et le Moyen-Âge en général.

 

Ludique et ambitieux

Sénateur de la Vienne, conseiller départemental en charge de la Culture et de l’Événementiel, ancien président du Département, ancien maire de la commune (et actuel conseiller municipal), Bruno Belin, évidemment préoccupé par le devenir de ce monument acheté par la Municipalité en 2010, a croisé le chemin de l’association, et a imaginé ce « lieu vivant qui permet un voyage interactif dans le temps et raconte l’histoire de l’Histoire. Ni musée, ni mémorial, il est le lieu d’une présentation dynamique et vivante de périodes et de faits historiques identifiés qui se sont déroulés sur notre territoire. Il est ludique et ambitieux ! » Ambitieux oui, car un objectif haut de fréquentation a été fixé : 40 000 à 50 000 visiteurs par an. Ludique, il l’est aussi, tant les surprises se succèdent ; le visiteur ne sait jamais ce qu’il va voir lorsqu’il pénètre dans telle ou telle salle. C’est la force du projet. Apprendre en amusant. Car on apprend ! Sur un vaste écran, des personnages figurent des seigneurs dans leurs fiefs. Ce sont les bases de la féodalité, thème complexe s’il en est – il faut bien 1 466 pages de Georges Duby (Féodalité, chez Gallimard) pour en comprendre toutes les subtilités – qui sont rappelées en quelques minutes, de manière claire et concise, et visuellement réussie. Il ne s’agit évidemment pas d’un cours universitaire sur cette question pointue !

 

L’Histoire en partage

Mais justement, même si l’on ne retient que quelques informations en chemin, le pari est gagné. L’essentiel étant de faire passer un moment agréable aux curieuses et curieux de tous âges, idéalement aux familles, aux petits-enfants accompagnés de leurs grands-parents qui peuvent ainsi partager des histoires, de l’Histoire, des jeux aussi, du dernier cri technologique ou nettement plus ancestraux, tels ceux proposés dans une autre partie du site, les anciennes écuries (situé de l’autre côté de la route, cet espace est propriété du Département par le biais d’une Société d’économie mixte), dans une sorte d’espace médiéval qui évoque un décor de film, et où l’on peut se prendre en photo avec un casque en fer sur la tête. Sans oublier l’arrière-écuries, avec un campement et des machines de guerre. Bigre ! Mais ne parle-t-on que d’histoire médiévale ici ? « Non, assure Pierre Baronnet-Frugès. On entre par le médiéval, mais d’autres époques sont présentées. C’est d’ailleurs symbolisé par le château : il a une base médiévale, minime, du XIIIe, il y a de la Renaissance, mais en fait, c’est un château du XXIe siècle. Il a été entièrement réhabilité. » Le petit château de ville, rebâti pour trois siècles au moins, a désormais vocation à devenir un haut-lieu touristique.

Aliénor en vedette

L’une des huit salles scénographiées – « Aliénor, une vie, un destin », un ancien appartement dont les poutres peintes ont traversé le temps et dont un mur est recouvert d’un saint Christophe réalisé au XVe – est entièrement consacrée à Aliénor d’Aquitaine, aïeule, bisaïeule, trisaïeule, etc., d’un grand nombre de têtes couronnées d’Europe. Précisons que les informations délivrées tout au long de la visite sont des plus fiables : c’est un comité scientifique qui les a rédigées, avant de confier la mise en scène, les lumières et les effets spéciaux à une entreprise spécialisée, la Prod est dans le pré. Aliénor, nous la retrouvons plus tard dans l’un des temps forts de la visite : le banquet. Le public, assis à table, est comme convié à la table de la comtesse de Poitiers (entre autres titres) interprétée par Eva Darlan. De part et d’autre, sur les écrans, personnages hauts en couleurs, musiciennes et musiciens s’animent comme s’ils étaient à vos côtés.

Autre sommet, le vidéo mapping sur la guerre de Cent-Ans, là encore un morceau de choix de l’Histoire de France que chacun croit connaître mais qu’il ne connaît pas vraiment, ou dont il ne se souvient pas. Saviez-vous que le roi de France Jean II le Bon avait été battu et fait prisonnier à la bataille de Poitiers (Nouaillé-Maupertuis, pour être précis), le 19 septembre 1356 ? Car ne l’oublions pas, le château de Monts-sur-Guesnes, s’il parle de l’Histoire de France, la relate à travers l’histoire du Poitou. En cheminant de salle en salle, d’espace en espace, l’on se rend bien compte de l’importance que revêt notre province dans la grande Histoire.

 

©V.Liorit

Le Poitou, toujours vivant !

Mais cela, c’est l’une des salles scénographiées qui nous le rappelle de manière spectaculaire. Nous ne révélerons pas tout, seulement que les panneaux sur lesquels sont projetées les images peuvent parfois se mouvoir et cacher des surprises… Il y est question des Pictons « qui, sur leurs terres, développent une intense activité », indique le commentaire. Peuple qui, au moment de la guerre des Gaules, se rallie d’abord à Jules César, avant de rejoindre Vercingétorix à Alésia… « Peine perdue, toute la Gaule va tomber sous la domination romaine. La capitale pictave se dote d’un amphithéâtre, de thermes, et d’aqueducs. » Saintes devient la première capitale de la province d’Aquitaine. On croise ensuite, à travers projections et maquettes, Hilaire, premier évêque de Poitiers, Martin, fondateur de Ligugé, sainte Radegonde, les ducs, comtes, barons, à l’origine des châteaux, symboles de pouvoir. La région n’échappe pas à l’incastellamento (l’enchâtellement) français ! Le passage du Poitou, province à forte identité, aux départements qui le composent encore aujourd’hui ou qui s’en sont déliés administrativement – à commencer par la Vendée – est évoqué. « Mais à travers ses paysages, son histoire, ses édifices, son héritage culturel et gastronomique, comme autant de fragments de l’âme poitevine, le Poitou demeure toujours vivant ». Nous ne saurions mieux conclure !

 

Paroles de visiteuses

Attablées devant un jeu médiéval, juste avant d’assister au vidéo-mapping sur la guerre de Cent-Ans, quatre dames sont visiblement enchantées de leur visite. « Nous venons de Ligugé avec une amie cannoise. Nous revoyons des choses que nous avions apprises et que nous redécouvrons. C’est une réussite. » « Moi, intervient une Montoise, j’ai connu cette pièce (ndlr : une ancienne écurie) en tant que ferme. On en parlait depuis des années, mais voir le château réhabilité de cette façon, cela fait plaisir. »