Le vieux Strasbourg sert d’écrin à ce quartier, véritable petit bijou du patrimoine. Bâti à fleur d’eau, il a été « sculpté », en quelque sorte, par les différents corps de métier qui y exerçaient jadis et qui se côtoyaient, les meuniers, les pêcheurs, les tanneurs qui faisaient sécher les peaux dans les greniers, sous les toits pentus des maisons à colombage édifiées aux XVIe et XVIIe siècles.

La Petite France, c’est d’abord l’Ill, qui forme un delta à cinq branches et qui donne à cette partie du vieux Strasbourg des airs de Sérénissime (Venise). L’avez-vous observée du ciel ? Pas besoin de louer un avion privé, Internet, et notamment un moteur de recherche très connu, permettent d’admirer les squares, les quais et les rues à hauteur de cigogne.

On remarque bien à quel point la rivière irrigue l’ensemble, dessine des îlots bordés de quais sur lesquels il est si agréable de cheminer aux beaux jours, avant d’emprunter les petites artères. On trouve des haltes reposantes, rafraîchissantes, gourmandes sur la place Benjamin-Zix et aux alentours. Ah, cette place… Depuis cet endroit stratégique et incontournable, le point de vue sur les maisons à colombage, en face, sur les autres rives, est un must !

 

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La balade architecturale, nez au vent, se prolonge en empruntant la rue du Bain-aux-Plantes – décidément, que d’eau, que d’eau ! –, une ancienne rue de tanneurs pavée comme aux temps anciens et « parsemée » de maisons à colombage aux blanches façades…

Logiquement, les ponts tiennent aux aussi la vedette dans ce quartier. Le pont du Faisan, ou « pont tournant » comme le surnomment les habitants, est accessible depuis la rue des Moulins. Il est très prisé des curieux car il doit être régulièrement activé pour laisser passer les bateaux-mouches. Les piétons, souvent nombreux, doivent alors attendre que le pont hydraulique mis en place en 1888 (le premier pont mobile date de 1854) reprenne sa forme initiale… Si l’on continue de suivre la rue des Moulins, nous arrivons au pont Saint-martin, qui réserve une vue imprenable sur les moulins, donc, mais aussi sur les barrages et les écluses. En retournant sur nos pas par le quai du Woerthel, nous voici aux ponts couverts (qui ne sont plus couverts depuis 1784). On traverse avec eux les différents bras de l’Ill, à l’ombre des hautes tours de garde, d’aspect sévère, qui nous ramènent quelques siècles en arrière, au temps des murailles du Moyen-Âge dont elles sont les vestiges.

 

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La vue sur le barrage Vauban clôt de toute beauté cette promenade historique. Eh oui, le commissaire général des fortifications de Louis XIV ne pouvait laisser sans système défensif digne de ce nom cette porte d’entrée dans le royaume. C’est cependant sur les plans de son collaborateur, l’ingénieur militaire Jacques Tarade (qui décèdera à Strasbourg en 1722), que ce barrage a été édifié, entre 1685 et 1700, pour doubler les défenses assurées jusqu’alors par les ponts couverts. Une terrasse panoramique a été édifiée au sommet de ce pont-barrage pourvu de treize arches, surnommé aussi la Grande Écluse, car en cas d’attaque, elle permettait d’inonder le sud de la ville.

 

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Mais au fait, pourquoi « la Petite France » ? Quel rapport avec un hexagone miniature où figureraient les différentes régions ? Aucun. Ce nom a été donné par les habitants car il accueillait dans ses limites, vers 1492, un Hospice des Vérolés, la vérole étant surnommée par les étrangers le « mal français » et les vérolés des « Franzose ». Non sans ironie, leur ville faisant alors partie du Saint-Empire (elle ne sera française qu’en 1681), les Strasbourgeois appelèrent le bâtiment la Petite France, terme qui fut donné par la suite au quartier dans son ensemble.