Espèce très ancienne, ce singulier animal est très présent dans les cours d’eau d’une grande partie ouest du pays, notamment au moment des migrations du printemps. Mais comme pour bien d’autres espèces, ses habitudes et sa population sont malmenées par le réchauffement climatique.

Un peu poisson, mais pas vraiment

Une tête qu’on ne voudrait pas croiser au détour d’une plongée sous-marine, à plus forte raison si l’on connaît son mode d’alimentation, digne d’un film d’horreur des moins ragoûtants. À la manière d’un parasite, la lamproie marine s’accroche à ses proies grâce à sa « bouche »- en réalité un disque buccal garni de multiples petites dents et d’une langue capable de percer-, pour digérer les chairs de ses victimes. Autre étrangeté, une classification -Agnathe- qui désigne des vertébrés dépourvus de mâchoires, à la différence des poissons. Sans compter une composition sanguine qui tient à la fois du vertébré et de l’invertébré. Bref, un drôle d’oiseau, si l’on peut dire.

 

Grande migratrice

Ne jugeons pas le physique ni les mœurs. On doit reconnaître le mérite de l’animal, qui parcourt parfois de longues distances -toutefois moindres que pour les anguilles- pour venir se reproduire dans nos rivières. Venues des zones maritimes côtières, la lamproie remonte les cours d’eau à la recherche de l’endroit idéal pour se reproduire. Ces coins tranquilles, des radiers, se trouvent dans des zones ou le débit de la rivière est plus élevé et où l’eau, par conséquent, est plus oxygénée et sans vase. La femelle gratte le gravier avec sa queue pour y pondre ses œufs, que le mâle viendra ensuite féconder avec sa laitance. Les petits prendront leur temps pour y grandir et ce n’est qu’après cinq à sept ans enfouis dans le sable, que ces ammocètes partiront rejoindre la mer.

 

Une situation inquiétante

Pa exemple, en Indre-et-Loire, ce sont la Loire, la Vienne et la Creuse que la lamproie marine a colonisées, en nombre depuis quelques années. Toutefois, si l’espèce n’est pas en voie de disparition, elle est menacée, notamment par le réchauffement climatique. À ce titre, les observations réalisées par les stations de comptage de Descartes, sur la Creuse, et de Châtellerault, sur la Vienne, sont édifiantes. À Châtellerault, environ 19 000 individus étaient comptés en 2020, environ 3000 en 2021 et… 15 en septembre 2022. Les années précédentes furent également irrégulières : 4 300 individus en 2018 et 6 en 2019. À Descartes, on voyait passer 14 individus en 2019, 15 000 en 2020 et 1005 en 2021. En cause, la réduction des débits des rivières et l’augmentation de la température de l’eau. Il est toutefois possible qu’un certain nombre d’individus aient développé d’autres stratégies de reproduction, dans des endroits situés plus en aval. Les barrages ne facilitent pas les choses, en rendant l’accès plus difficile aux radiers, situés en général en amont des rivières, et en facilitant l’augmentation de la température de l’eau, par sa retenue.