Les dictons sont le plus souvent riches d’une sagesse ancestrale, d’un bon sens rural qui nous font vivre au plus près de la nature et mieux la respecter. Rythmés, presque poétiques, mêlés de prévisions météorologiques avec quelques évocations de la lune (« Qui son fumier enterre en nouvelle lune doit le faire » ou « La lune pâle fait pluie, l’argentine temps clair et la rouge vente »), ceux du potager (et même du verger) nous invitent plus particulièrement à effectuer les bons gestes dans le jardin au fil des mois et des saisons.

En MARS, bientôt, la terre est prête. Quand elle « fleurit ». Le printemps arrive, le sol semble assez réchauffé pour accueillir les premiers semis : « À la Sainte-Cunégonde, la terre redevient féconde » (le 3, également jour de la Saint-Guénolé). Méfiez-vous quand même de la douceur : « De saint Casimir la douceur fait peur aux jardiniers et aux laboureurs » (04/03). Mars semble aussi être mois de la taille… « Taille tôt, taille tard, mais taille toujours en mars » ou « Taille tôt, taille tard, rien ne vaut taille de mars ». Sachez également en ce mois accueillir le vent (« Mars venteux, vergers pommeux »), la pluie et le temps gris (« En mars, les giboulées ne se perdent jamais » ou « Mars gris, avril pluvieux font l’an fertile et plantureux ») et même les gelées (« Quantes gelées en mars, tantes poussées en avril » ou « En mars autant de gelées, en avril autant de poussées »). Le 17, c’est la fête de la Saint-Patrick (Saint-Patrice). Eh bien ! « Sème tes pois à la Saint-Patrice, tu en auras tout ton caprice ». (Attention quand même à la fraîcheur !) Mais quand Pâques tombe-t-il cette année ? En mars, en avril ? Soyez en tout cas vigilant une semaine auparavant : « Le propre jour des Rameaux, sème oignons et poireaux ». Et, le 19, « Qui veut bonne melonnière à (la) Saint-Joseph doit la faire ». N’oubliez pas non plus de faire pousser de la sauge car « Qui a de la sauge dans son jardin ignore le médecin » (mais, plutôt qu’un dicton, il semble s’agir ici d’un proverbe de l’école de médecine médiévale de Salerne).

 

En AVRIL, accueillez encore bien la pluie car, disions-nous, « Avril pluvieux fait l’an fertile et plantureux ». Observez bien les branches le 14 (également jour de la Saint-Maxime) : « Lorsqu’arrive la Saint-Valérien, l’arbre bourgeonne et les fruits ne sont plus loin. » Et quel sera donc le temps du 22 ? Attention ! « Pluie le jour de Sainte-Opportune, ni cerises ni prunes » ou bien « À la Sainte-Opportune beau temps, fruits d’été abondants ». Si vous méconnaissez peut-être cette fête, vous connaissez sans doute très bien la Saint-Georges du 23 avril (avec son célèbre « À la Saint-Georges, sème ton orge »). Eh bien ! « Quand il pleut le jour de (la) Saint-Georges, sur cent cerises on en a quatorze » ou « S’il gèle à la Saint-Georges, sur cent bourgeons en restent quatorze ». Connaissez-vous même la Saint-Marc du 25 ? « À la Saint-Marc s’il tombe de l’eau, il n’y aura pas (ou point) de fruits à couteau (ou à noyaux) » ou « Quand Saint-Marc n’est pas beau, pas de fruit à couteau ». Et prenez toujours garde en avril au risque de gelées : « II n’est si gentil mois d’avril qui n’ait son chapeau de grésil ». Attention en particulier à la lune ! « Lune d’avril ne passe pas sans gelée » ou « La lune d’avril nouvel ne passe pas sans gel » ou encore « Ne crois pas de l’hiver avoir atteint la fin que la lune d’avril n’ait accompli son plein ». Oui, vous avez sans doute entendu parler de la fameuse lune rousse, lunaison qui suit Pâques, en particulier si l’on voit la lune briller fort dans le ciel sans nuages : « Lune rousse, rien ne pousse », « Les gelées de la lune rousse de la plante brûlent la pousse » ou « ruinent plantes et pousses » ou même « Tant que dure la rousse lune, mes fruits sont sujets à fortune », « L’hiver n’est point passé que la lune rousse n’est déclinée », « Quand la lune rousse est passée, on ne craint plus la gelée », etc. Ils sont fort nombreux, ces dictons de la lune rousse, pour encore mieux insister… D’ailleurs, « on n’a pas hiverné tant qu’avril n’est pas passé » ! Enfin, que vous soyez jardinier professionnel ou amateur, même si avril est printanier, restez bien habillé (« En avril ne te découvre pas d’un fil ») avant que n’arrive le mois de mai…

 

Voici donc le joli mois de MAI. Jardinier, « Fais ce qu’il te plaît ! » (Mais n’oubliez pas que le dicton fait suite au précédent donc qu’il est d’abord en lien avec ce que vous mettez sur le dos. D’ailleurs, nous trouvons aussi : « Au mois de mai, manteau jeté »). Beau et haut mois de mai, oui, car « Les plantes poussent plus en une nuit de mai qu’en dix d’avril » ! Il semble cependant que « Mai jardinier ne comble pas le grenier » ou que « Lorsque mai est trop jardinier, cela ne remplit pas le grenier ». Sachez encore accueillir le vent (« Mai clair et venteux fait l’an plantureux ») et appréciez la pluie (« Averse de mai a plus de pouvoir que dix arrosoirs »). Attention encore une fois au gel ! Le froid peut revenir avec les fameux saints de Glace. Le 11 mai (« Gare s’il gèle à la Sainte-Estelle ») est aussi le jour de la Saint-Mamert. Le 12 (Saint-Achille), c’est également la Saint-Pancrace (« Souvent saint Pancrace rapporte la glace »). Et le 13 (Sainte-Rolande) : « Avant la Saint-Servais, point d’été. Après, plus de gelée », « À la Saint-Servais, se décide l’été » et « Passé saint Servais, on peut semer » ! Oui, « Aux trois Saints de glace, fais toujours face » car « Au printemps ramènent l’hiver Pancrace, Servais et Mamert » ou « Saint Servais, saint Mamert et saint Pancrace apportent souvent la glace » ou encore « Saint Mamert, saint Servais, saint Pancrace de leur passage laissent souvent trace » ou même « Du mois de mai, la chaleur de tout l’an fait la valeur / mais il faut bien que se passe le froid convoi des saints de glace ». (Durant ces trois jours de joli froid de mai, restez donc bien emmitouflés !) Ah ! Les jardiniers les connaissent vraiment bien, ces saints, et ils attendent encore un peu avant de planter en extérieur leurs plantes gélives en cas de gelées tardives. Ensuite, c’est parti… D’ailleurs, « À la mi-mai queue de l’hiver mais à saint Honoré (le 16) que de pois verts ». Quand arrive le 23, « Haricot semé à la Saint-Didier en rapporte un demi-setier » ou « Plante un pois à la Saint-Didier, tu (en) récolteras un setier » – ancienne mesure de capacité. Ou « Sème tes haricots à la Saint-Didier, pour un tu en auras un millier » ou encore « Qui sème les haricots à la Saint-Didier les récolte par poignées » ou même « Saint Didier ramasse tout dans son devantier (tablier) ». Le lendemain, le 24 mai, est jour de la Saint-Donatien ou l’ancienne fête de Sainte-Angèle. Et c’est maintenant que nous pouvons dire, bien plus que le 27 janvier, « Après Sainte-Angèle, le jardinier ne craint plus le gel ». Les saints de Glace sont passés, il ne risque plus de geler. Restons quand même vigilants jusqu’à la fin du mois : « Tant que mai n’est pas au vingt-huit, l’hiver n’est pas tout à fait cuit. »