« Sur la route de grande circulation qui conduit de Sélestat à Strasbourg, écrit le chanoine Ohresser dans un fascicule, on aperçoit sur la droite à la sortie du village d’Ebersheim, dissimulée au milieu d’un bocage, une église monumentale de trois flèches à bulbes (ndlr : ce sont évidemment eux, ces toits en forme de bulbes, en tuiles vernissées vertes, qui font toute l’originalité, au moins extérieure, du monument). De sa masse imposante, elle écrase les maisons et les fermes de la petite agglomération qui se blottit à son ombre ; c’est, nous dit un panneau indicateur planté en bord de route, l’église abbatiale d’Ebersmunster. »
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De style baroque alémanique
Des églises de ce style, pur baroque alémanique, on n’en trouve pas partout en France, c’est le moins que l’on puisse dire ! En tout cas, celle d’Ebersmunster, petit village au demeurant élégant avec ses maisons traditionnelles, situé entre Strasbourg et Colmar, est considérée comme la plus belle de l’Est du pays. Le détour est donc largement recommandé pour s’emplir les yeux de cette merveille architecturale du XVIIIe siècle, restaurée depuis le milieu des années 70 grâce aux efforts d’une association alors que les dégâts occasionnés lors de la guerre avaient déjà fait l’objet d’une campagne entre 1945 et 1965.
Un orgue Silbermann
Auparavant, sur le même site, s’élevait déjà une abbatiale, mais médiévale en l’occurrence (haut-médiévale, même, puisque son origine remonterait à 667). Brûlée comme l’ensemble de l’abbaye pendant la guerre de Trente ans (1618-1648), reconstruite, incendiée de nouveau, l’église abbatiale fut finalement remplacée en 1725-1728 par le monument que nous connaissons, sur les plans de l’architecte autrichien Peter Thumb. Typique du style baroque du Vorarlberg (région située à l’ouest de l’Autriche) – c’est d’ailleurs la seule église de ce genre en France – l’abbatiale Saint-Maurice recèle, hormis les éléments de décor habituel, dorures, stucs, fresques, d’admirables plafonds peints et un orgue signé André Silbermann. C’est probablement le dernier des 34 instruments que ce célèbre facteur d’orgues, décédé à Strasbourg en 1734 mais premier d’une longue lignée familiale, a fabriqué. D’ailleurs, l’abbatiale sert de cadre à des événements culturels, musicaux en premier lieu, autour de son orgue ou pour des festivals comme les heures musicales, dont la réputation dépasse les frontières hexagonales.
Des stalles de M. Wutzer
Mais il convient de noter aussi la valeur et l’intérêt des stalles de Mathieu Wurtzer, dans le chœur de l’église, ces boiseries sculptées qui représentent des personnages importants liés à l’histoire du lieu. Ces stalles aussi ont nécessité une restauration importante. Et pour cause : les 18 statues de saintes (Scolastique, Richarde, Odile…) et de saints (Benoit, Grégoire Ier, Pirmin, Léger, Hydulphe, Léonard, Dié, Fulrad, Arbogast), qui étaient à l’origine serties dans les niches, avaient disparu ! Il a donc fallu les refaire : mission brillamment assurée entre la fin du XIXe et le début du XXe siècle par l’atelier du sculpteur tyrolien Stuflesser.
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