« Petite Venise » est un surnom ; cette partie de Colmar est située en réalité au début du Krutenau, ancien quartier des maraîchers, des vignerons et des bateliers – les premiers étaient parfois aussi les derniers, car c’est en naviguant, les barques remplies de victuailles, qu’ils rejoignaient le marché couvert pour vendre leurs récoltes. Il s’étend de l’arrière du Koïfhus, l’ancienne douane, et plus vieux bâtiment public de la ville, jusqu’aux ponts, Turenne et Saint-Pierre, en passant par le quai de la Poissonnerie et les rues et ruelles adjacentes. Avis aux passionnés d’histoire moderne : la rue Turenne est baptisée ainsi en l’honneur du célèbre maréchal de Louis XIV, qui l’emprunta pour entrer dans la ville en 1674.
La petite Venise dévoile ses atours aux flâneurs en barque sur le cours de la Lauch, ce qui leur permet d’effleurer des terrasses inaccessibles autrement et de profiter de points de vue uniques sur différents trésors du patrimoine, les façades des maisons à colombage anciennes, bâties du XIVe au XVIIIe siècle, les ponts fleuris, les halles, en face du quai de la Poissonnerie. Elle se dévoile aussi aux flâneurs à pied, qui découvrent telle ou telle curiosité au hasard de leurs pérégrinations. À vrai dire, les deux moyens, barque et jambes, se complètent et permettent d’embrasser le quartier dans son entièreté sans en perdre une miette !
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Sur la place de l’ancienne douane, la Koïfhus, s’élève la statue de Lazare de Schwendli (1522-1583), général des empereurs Charles-Quint et Maximilien II. L’œuvre est signée de l’enfant du pays et sculpteur de la Statue de la Liberté, Auguste Bartholdi (1834-1904). Son nom reviendra souvent dans cet article, car Colmar ne l’a pas oublié. À deux pas, le quartier des tanneurs arbore des maisons à colombage dont les greniers servaient jadis à faire sécher les peaux. Si l’on poursuit dans cette direction, comme nous y invitent de nombreux guides, voici le quai de la Poissonnerie où, comme son nom l’indique, résidaient les pêcheurs qui, alliés aux bateliers, formaient une puissante corporation. De nombreuses maisons ont été détruites dans un incendie en 1706. Néanmoins, la restauration habile qui a été effectuée il n’y a pas si longtemps (1978-1981) a permis d’exposer les colombages jusque-là cachés aux regards.
On ne peut pas rater le marché couvert, construit en 1865, en plein Second Empire, qui affiche un style différent, c’est le moins que l’on puisse dire, des maisons qui lui font face, sur l’autre rive de la Lauch, avec leurs façades pastel. De l’autre côté de l’imposant bâtiment, se trouve la statue du Petit Vigneron, copie d’une œuvre de Bartholdi (l’originale est au musée Bartholdi, à Colmar bien sûr), comme sertie dans une fontaine.
Depuis le pont de la rue des Écoles, nous emprunterons la rue des Tisserands pour arriver à la rue Turenne avant de piquer vers le sud-ouest afin de rejoindre le pont Saint-Pierre, qui réserve une vue sublime sur le quartier. Puis nous longerons le lycée Bartholdi pour découvrir une place, celle des Six Montagnes noires, qui possède elle aussi sa sculpture de l’artiste natif, puis une autre place, celle du Marché aux Fruits, avec la maison Kern (1594), typique de la Renaissance allemande. Au passage, nous remplirons nos yeux de beauté devant la Maison des Chevaliers de Saint-Jean, hommage à Venise et à ses palais ; nous nous amuserons enfin devant la réplique du Manneken Pis, cadeau de la ville de Bruxelles exposé dans un mur du tribunal. Que de curiosités dans un aussi petit périmètre !
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