C’est un lieu d’une beauté exceptionnelle, baigné d’une lumière divine, qui souligne avec douceur les œuvres romantiques de l’un des plus grands sculpteurs français. Depuis 1984, l’abbatiale Toussaint, magnifiquement restaurée avec sa verrière contemporaine, abrite les dessins, plâtres d’atelier et autres sculptures en marbre ou en bronze, légués par Pierre-Jean David, dit David d’Angers, à sa ville natale. Découverte d’une galerie époustouflante dédiée aux œuvres de l’enfant du pays.

Un artiste à l’ascension fulgurante

Né à Angers en 1788, Pierre-Jean David est le fils d’un sculpteur-ornemaniste. Issu d’un milieu modeste, il se fait très tôt remarquer pour ses qualités d’artiste, notamment à l’école de dessin d’Angers. Installé à Paris au début du XIXe siècle pour suivre la formation de l’École impériale des beaux-arts, il fréquente l’atelier du sculpteur Philippe-Laurent Roland et devient l’élève du peintre Jacques-Louis David. Dès lors, il travaille sur les ornements de plusieurs monuments de la ville, comme l’arc de triomphe du Carrousel ou le palais du Louvre.

En 1809, l’ascension fulgurante de Pierre-Jean David lui permet d’obtenir une pension de 600 francs votée par la ville d’Angers pour la poursuite de ses études. C’est ainsi qu’à l’âge de vingt-deux ans, il obtient le deuxième prix de sculpture de l’École impériale des beaux-arts et qu’il se présente au concours du prix de Rome, auquel il est reçu en 1811 avec le bas-relief La Mort d’Épaminondas. Une œuvre qui sera envoyée au musée des Beaux-Arts de sa ville natale, comme de nombreuses autres à suivre, sous forme de modèles d’atelier en plâtre, en remerciement du soutien financier qui lui a été accordé.

Après l’obtention du prix de Rome, Pierre-Jean David réside près de cinq ans en Italie comme pensionnaire de l’Académie de France. Un séjour qui va marquer un tournant dans son travail tant il trouvera l’inspiration dans l’art Antique. De retour dans l’hexagone, il obtient sa première commande : la statue du Grand Condé pour le pont Louis XVI (actuel pont de la Concorde). Une réalisation qui suscite bien vite l’admiration. En 1826, il est élu membre de l’Institut de France et est nommé professeur aux Beaux-Arts. La même année, c’est en accolant le nom « d’Angers » à sa signature qu’il décide de poursuivre son hommage à la capitale de l’Anjou.

 

Sculpter les grandes figures de son temps

Sculpteur reconnu, David d’Angers se mêle aux courants politiques et fréquente les salons parisiens aux côtés de Victor Hugo, Lamartine ou Chateaubriand : c’est à cette époque qu’il opère une mutation idéologique qui va profondément modifier ses choix artistiques. Républicain engagé, il s’interroge sur les questions sociales et s’oppose à la monarchie constitutionnelle de Louis-Philippe. Il s’intéresse également aux grandes figures de son temps, reconnues pour leur morale, leur art, leur courage ou leur érudition, qu’il sculpte avec beaucoup de réalisme, loin des emphases mythologiques et poétiques de ses pairs.

Au fil du temps, David d’Angers va parcourir l’Europe pour réaliser les statues, bustes et médaillons de ces grands hommes. En parallèle, il poursuit également son travail sur les grandes statuaires publiques, les monuments funéraires et les bas-reliefs. En 1830, il reçoit l’une de ses plus importantes commandes : le fronton du Panthéon à Paris. Il choisit de représenter ceux qui défendent la liberté et qui se sont battus pour une France Républicaine. Une réalisation controversée qui sera dévoilée en 1837, sans inauguration.

 

 

En 1848, David d’Angers s’engage en politique. D’abord maire de l’ancien 11e arrondissement de Paris, puis député du Maine-et-Loire, il choisit l’exil en décembre 1851, après le coup d’État de Louis Napoléon Bonaparte. Il s’installe alors en Belgique, puis en Grèce avant d’obtenir un passeport français en 1854. Mais bien vite, sa santé décline : il rentrera à Paris peu de temps avant sa mort, le 6 janvier 1856, et sera enterré au Père-Lachaise, aux côtés de plusieurs monuments funéraires qu’il aura réalisés au cours de sa carrière.

Le plus lumineux des écrins

 

 

En 1839, la Ville d’Angers décide de créer la « Galerie David d’Angers » dans le réfectoire du musée des Beaux-Arts (l’actuel hall d’entrée). Le sculpteur choisira d’ailleurs de ne pas assister à l’inauguration, probablement par pudeur. Après sa mort, les collections s’étoffent, bientôt complétées par les donations de ses héritiers. Un siècle et demi plus tard, la Ville d’Angers décide de réhabiliter la toute proche abbatiale Toussaint et d’y exposer ses œuvres, alors à l’étroit dans le musée des Beaux-Arts.

Cette abbatiale, reconstruite au XIIIe siècle par les chanoines de Saint-Augustin sur les fondations d’une chapelle du XIe siècle, était alors l’une des plus grandes abbayes de la ville. Affectée aux réserves de l’armée après la Révolution, l’église se délabre et ses voûtes s’effondrent en 1815. À partir de 1843, les ruines de l’abbatiale Toussaint, envahies par la végétation, deviennent un musée lapidaire à ciel ouvert. Il faut attendre 1980 pour qu’un projet de restauration soit consenti. Inaugurée en mai 1984 par François Mitterrand, la galerie David d’Angers est le reflet de tout le savoir-faire angevin.

En mêlant les matériaux locaux, comme l’ardoise ou le tuffeau, à des matériaux contemporains, comme le bois, le verre et le béton, l’architecte en chef des Monuments historiques, Pierre Prunet, offre une nouvelle vie à cette ruine romantique, tout à la fois empreinte de spiritualité, de tradition et de modernité. Le coup de génie de Prunet : remplacer la voûte de l’abbatiale par une verrière qui offre un dialogue permanent et sans cesse renouvelé entre la lumière, l’architecture du site et les œuvres de l’artiste. Un écrin de choix dont l’atmosphère reflète avec grâce le génie de David d’Angers, ce chantre du romantisme considéré comme l’un des sculpteurs les plus prolifiques de son siècle.

 

Aujourd’hui, la galerie présente des centaines d’œuvres, parmi lesquelles les modèles originaux en plâtre réalisés pour les commandes publiques qui ont fait la notoriété de David d’Angers : Gutenberg à Strasbourg, le Marquis de Bonchamps, Jean Bart à Dunkerque ou encore le modèle au tiers du Fronton du Panthéon. Dans le chœur de l’abbatiale, les œuvres de jeunesse du sculpteur sont exposées, comme le Prix de Rome La Mort d’Epaminondas ou encore La Jeune Grecque sur le tombeau de Markos Botzaris et de nombreux dessins. Enfin, la mezzanine expose les portraits en buste des « Grands Hommes » qu’il jugeait dignes de passer à la postérité, parmi lesquels Paganini, Goethe, Balzac, ou Chateaubriand.